Mes jobs étudiants. #1 Au supermarché.
L'été de mes 18 ans j'ai eu mon bac, ce fut un grand moment de joie et d’allégresse et un été assez foufou par la suite. L'été là je suis allée à La Rochelle, en Bretagne et à Cannes... grâce aux sous de mes géniteurs.
L'été de mes 19 ans, il n'en était plus question. Je vivais toujours chez ma maman mais j'avais envie de me payer des trucs un peu hors budget. Dans le désordre : des bottes en cuir, un PC portable et un voyage avec mon copain du moment. J'ai toujours été élevée dans l'idée que si je voulais quelque chose, il fallait que je travaille. Puis je voulais pouvoir dépenser MON argent comme bon me semblait, parce que passée la majorité j'étais quand même pas très à l'aise avec l'idée de dépenser l'argent des autres (alias de mes géniteurs). Problème : à l'époque j'avais le CV vide et je redoublais ma première année de droit. Pas franchement folichon pour une embauche. Après avoir déposé des CV partout, j'ai été rappelée par le supermarché du coin pour un entretien qui n'était en réalité qu'une formalité pour me faire signer un contrat et me donner la date de mon 1er jour de travail.
Quand j'y repense aujourd'hui je me rends compte que j'ai eu une chatte d'enfer et que j'ai eu affaire à un directeur de magasin assez ouvert d'esprit et aventureux, du moins suffisamment pour embaucher une gamine de 19 ans sans expérience.
J'ai donc été prise au supermarché pour un 35h/semaine.
Officiellement, mon poste s'appelait "gestionnaire supermarché", concrètement ça consistait à mettre des produits en rayons. Et pas n'importe quel produit : les produits frais. Les lardons, les yaourts, le beurre, les pâtes à tarte, le camembert, les surgelés... etc. (à tous ceux qui pourraient croire une seule seconde que ça me donnait faim, je peux vous dire que non, ça avait même plutôt tendance à me couper l'appétit) Le tout sans gant pendant plusieurs heures. Sans gant (ce qui soit dit en passant est totalement illégal). Je pense que c'est cet été-là que j'ai découvert la crème hydratante pour les mains.
J'ai passé mon été en polaire sous les lumières blafardes du supermarché. Joie et bonne humeur.
Mes horaires étaient complètement merdiques. Du lundi au samedi (oui je n'avais que le dimanche comme jour de repos), je commençais au plus tôt à 6h au plus tard à 8h. Au début, je finissais relativement tôt, du genre 11h ou 12h. Un jour ils m'ont demandé de faire des heures sup, j'ai dit non et je suis rentrée chez moi, naïve que j'étais. Quelques jours après le directeur m'a convoqué pour me dire qu'il ne m'avait pas embauché pour que je refuse les heures sup et que je devais aider mes collègues à finir les mises en rayons avant de rentrer chez moi. A partir de là, je n'avais plus d'horaires. Plus jamais. Au gré des livraisons de marchandises, je pouvais finir aussi bien à 12h qu'à 15h. Une fois j'ai même fait 6h-15h, sans pause. On avait une pause qu'une fois de temps en temps quand la chef d'équipe le décidait. A l'époque je n'avais pas fait de droit du travail (je n'en ai pas fait plus depuis d'ailleurs) donc je me suis laissée avoir, exploitée.
Quant à l'équipe avec laquelle je bossais, il n'y avait que des femmes et aucune autre étudiante comme moi, que des salariés permanentes, alors que dans d'autres équipes, il y avait parfois plusieurs étudiants et que donc l'ambiance avait l'air plus fofolle. Autant dire que mon niveau d'intégration dans mon équipe se situait à peu près aux alentours de -45. La chef d'équipe devait avoir une cinquantaine d'années et avait fait carrière là-dedans. Moi petite étudiante en droit, je faisais un peu tâche dans le milieu et j'avais un peu de mal à suivre les conversations. J'ai pas spécialement fait d'efforts non plus mais en même temps à 8h du mat' la tête dans le cul et entre deux jambons je n'avais pas forcément envie de discuter.
Il y en avait une particulièrement méchante avec moi, qui me disait sans cesse qu'en gros je n'étais pas dégourdie (grosso merdo) (et elle n'avait pas forcément tort) et que je devais absolument aller plus vite. Bref travailler avec elle n'était vraiment mais alors vraiment pas agréable.
Non je n'allais pas bosser dans cette tenue (j'aurais peut-être du remarque). |
En gros, vous l'avez compris, j'ai eu un été complètement pourri et j'ai failli arrêter plusieurs fois ce job, mais - et je dois dire que j'en suis fière - j'ai tenu jusqu'au bout. J'y suis allée tous les matins à reculons jusqu'au 31 août. La grosse ironie du sort c'est qu'à la fin, la chef d'équipe m'a dit qu'elle avait bien aimé bosser avec moi et qu'elle me reprendrait sans soucis l'année prochaine. Hypocrisie quand tu nous tiens. Clairement, j'étais nulle dans ce job. J'essayais de bien faire hein pourtant je vous jure mais ça fait partie de ces jobs très manuels où concrètement il ne faut pas réfléchir beaucoup pour y arriver mais chez moi ça ne passe pas, je ne suis pas dégourdie et je me sens souvent potiche dans ce genre de jobs. Du genre à galérer pour ouvrir un carton. Voyez le genre. Je ne sais pas si ça fait ça à d'autres mais en tout cas moi c'est comme ça que je l'ai vécu.
Je suis ressortie de là fatiguée mais fière. Au niveau du salaire, vu toutes les heures sup effectuées, j'ai eu l'impression d'un énorme jackpot à la fin des deux mois. Je suis entrée chez André pour m'acheter une belle paire de bottes en cuir - que j'ai toujours - et ce sont les miennes, je les ai payé avec MES sous et ça, ça fait du bien. J'ai bien acheté un PC portable et quelques mois plus tard je m'envolais vers la Turquie avec mon copain du moment. Bon évidemment, c'est facile de se payer des voyages et des bottes en cuir avec son salaire quand on vit encore chez ses parents (ou quand on se fait entretenir par ses parents) mais ça je l'ai compris plus tard.
Je crois que ce qui me faisait le plus mal au coeur c'était de jeter les produits périmés. J'ai jeté des tas de produits frais périmés du jour... Je le confesse ici maintenant, parfois au lieu de jeter des paquets entiers de Pitch (oui les Pitch sont des produits frais), j'en fourrais deux trois dans ma poche pour le goûter (la guedin). Une grande carrière de sauveuse de Pitch s'est ouverte à moi cet été-là.
Avec le recul (6 ans plus tard), ce job a été l'un des "meilleurs" de ma jeune vie. Il a été dur, éprouvant physiquement et mentalement et sur le coup je l'ai très mal vécu (je pense que le vivrais beaucoup mieux maintenant). Mais quelle claque, quelle bonne dose d'humilité. Je n'étais pas spécialement quelqu'un de fière ou d'arrogant mais je pense que ce job m'a forgé pour la suite. Il m'a rendu plus humble, plus gentille (je te vois sceptique derrière ton écran), plus compréhensive. Il m'a fait comprendre qu'il n'y a pas de sots métiers et que je pourrais faire tous les jobs étudiants du monde par la suite, aucun ne serait dévalorisant, idiots, stupides, que toute expérience est bonne à prendre. Ca m'a donné envie de découvrir d'autres jobs, d'autres milieux.
Parfois je me rappelle que si pour moi ce n'était qu'un job d'été, pour certains c'est une vie, une routine et ça me fait redescendre un peu sur terre. Je me souviens de ces clients qui ne vous regardent même pas, qui viennent vous parler sans même vous dire bonjour, vous n'existez pas. Je me refuse toujours depuis à qualifier certains métiers d'idiots, de faciles. Car bien que "facile intellectuellement parlant", ça a été l'un des métiers les plus difficiles que j'ai eu à exercer. J'ai un profond et immense respect pour les gens avec lesquels j'ai travaillé - même celle qui me critiquait tout le temps, oui oui. Ils ne doivent pas se souvenir de moi et à vrai dire, à l'heure actuelle nos mondes sont tellement éloignés qu'on aurait encore moins de choses à se dire qu'à l'époque, mais je suis contente d'avoir fait partie de ce monde, ne serait-ce qu'un tout petit peu, ne serait-ce que pendant deux mois.
Un jour quelqu'un m'a dit "mais tu fais du droit, le recruteur plus tard il en aura rien à foutre que tu ais mis du jambon en rayon". Certes, mais chacune de mes expériences a été très enrichissante d'un point de vue personnel (travailler te permet de mieux te connaître, de découvrir tes capacités, tes limites, tes qualités, tes défauts, tes envies) et celle-là, parce qu'elle est la première, parce que c'était un milieu particulier, sans doute un peu plus que les autres.
La dernière fois en entretien, on m'a demandé ce que je choisirais s'il fallait n'en retenir qu'un seul de mes jobs d'été, j'ai choisi celui-ci.
*toutes les images sont tirées du film Cashback.
Et tu n'avais pas encore fais de droit du travail qui doit dire (j'sais pas j'en ai jamais fais en fait) que tu ne peux pas être virée si tu refuses les heures supp' ?!
RépondreSupprimerIl n'y a pas de sous métiers je pars également de ce principe là mais quand tu te dis que certains/nes font "carrière" là dedans tu te dis que non, pas pour toi. Ca donne envie de se donner les moyens de ne pas rester croiser la gueule des cons en tout genre toute la journée. Parce que le client est un dur, on le sait bien.
En tout cas, c'est une énorme satisfaction que d'avoir bossé et de recevoir SON salaire à la fin. Je me rappelle ma première année.. Wouaou trop contente ! Je m'étais fais un cadeau (je sais plus lequel) mais après chaque été j'ai fais ça :)
(Nolwenn du compte IG healthy_wenn ;))