Fourtou 1 : les réseaux sociaux et les nouveaux nés.

Parfois je me dis que j'aurais pu être une bonne influenceuse. (Je ne sais pas si c'est un compliment). 

Quand j'étais ado, j'ai passé littéralement des heures à écrire des articles sur mes skyblogs et à faire des montages photo. J'adorais ça. J'aimais y raconter ma vie. Quand est né Loft Story, j'avais 12 ans et j'ai trouvé ça formidable. J'ai pleuré quand Aziz est sorti du loft. Puis j'ai grandi et je me suis - heureusement - détachée de la téléréalité. Mais j'ai toujours eu des blogs sur lesquels j'ai plus ou moins toujours raconté des trucs. Instagram est venu remplacer ça il y a quelques années mais j'ai toujours eu une plateforme où je pouvais exprimer des choses. 

Quel est le rapport entre la téléréalité et les blogs ? 

J'aurais pu être une bonne Mélanie Diore. Mélanie Diore c'est l'héroïne du livre de Delphine de Vigan, "Les enfants sont rois". Mélanie grandit biberonnée à la téléréalité, elle rêve elle aussi d'être une star. Jeune adulte, elle fait un passage éclair dans une émission de téléréalité, puis elle devient maman et surexpose ses enfants sur les réseaux sociaux et sur Youtube, au point qu'ils en deviennent son gagne pain principal.

Je ne sais pas si j'aurais fini par exposer mon fils comme elle le fait, mais je sais que ma propension à raconter facilement des trucs sur ma vie aurait pu me conduire à devenir influenceuse. 

Et qu'est ce qu'une influenceuse si ce n'est quelqu'un qui raconte sa vie sur l'Internet ? C'est - selon moi- une forme de téléréalité, même si la plupart d'entre elles s'en défendent. 

Certain.e.s me diront que les influenceuses produisent du vrai contenu et que c'est un vrai métier. Je ne nie absolument pas le fait que faire des vidéos, les monter et les poster sur les réseaux soient un vrai métier. Ce que je dis c'est que bien souvent le sujet principal de ces vidéos c'est elle-même. Je suis certaines influenceuses qui ont un vrai talent, je pense à Marion Caméléon par exemple. Elle est maquilleuse et c'est vraiment incroyable ce qu'elle fait. Mais certaines ne proposent rien d'autres à part des vlogs d'elles qui vont faire des courses, qui voyagent, qui font du sport, etc. Elles disent que ce qu'elles aiment le plus c'est partager des trucs avec leur communauté, que la raison d'être de leur métier c'est le partage. 

Souvent ça me laisse dubitative. Partager quoi au juste ? Les vidéos qui marchent le mieux sont souvent celles où elles partagent le plus leur intimité, les foires aux questions, les vidéos où elles montrent leur maison, leur mec, leurs enfants etc. Leur gagne-pain consiste souvent à nous balancer des codes promo pour nous faire surconsommer. Quand elles partent en voyage et nous disent qu'elles partagent avec nous pour nous faire rêver sur la destination, moi j'y vois plus une forme de "regardez ce que je fais et comment ma vie est formidable"


Aziz du loft c'est lui (au premier plan).
(Derrière c'est Jean Edouard, oui celui qui a fait crac crac avec Loana dans la piscine.)
(Oui je m'exprime comme une enfant de 12 ans quand je parle de Loft Story.)


Je trouve que c'est d'un arrogance folle de penser une demi-seconde que ta vie au quotidien peut intéresser d'autres gens. 

Pourtant, et c'est là tout le paradoxe de ce que je suis en train d'écrire, je crois que je comprends ce truc-là. 

La plupart des choses que j'écris sur Insta ou ici, je pourrais me contenter de les écrire dans un journal intime. Mais non, depuis que l'Internet existe (ou presque) je montre une partie de ma vie sur les réseaux. Tout le monde ne le fait pas. La plupart des gens autour de moi ne publient rien ou presque sur les réseaux. Moi j'ai toujours ce blog où je publie chaque année mon bilan livres, j'ai deux comptes instagram, un compte public où je publie des photos de voyage et de bouquins, et un compte privé où je publie des photos plus perso. Qu'est ce qui pousse certaines personnes à raconter leur vie sur les réseaux, à s'exposer et d'autres à ne pas le faire ? 

Est ce que c'est la même chose que les artistes qui ont besoin de s'exprimer quelque part ? Il sort d'où ce besoin de s'exprimer et de penser que ce qu'on a à dire est suffisamment intéressant pour qu'on soit lu, écouté, regardé ? 

Est ce que ce n'est pas une simple forme de narcissisme ? 

Je me dis toujours qu'il y a une différence entre les influenceuses qui ont des "vraies choses à proposer", un "vrai talent", comme Marion Caméléon citée plus haut et les autres dont la notoriété ne repose que sur le fait de se montrer, je pense notamment aux influenceurs issus des téléréalités, mais la limite est tout de même assez floue. 

Je pense notamment à une influenceuse qui s'appelle Néroli, qui a quitté son job d'infirmière pour être influenceuse à plein temps. J'ai quivi quasi tous ses vlogs en décembre (elle a vlogué tous les jours pendant 24 jours pendant ce qu'on appelle les vlogmas) et c'est littéralement 24 jours de grand vide. On la voit aller faire ses courses, aller chercher sa fille à l'école (elle ne montre jamais sa fille dans ses vidéos par contre), revenir de son cours de pilates etc. Elle dit elle même que ce n'est pas hyper intéressant, mais j'ai quand même continué à regarder. Pourquoi au final ? Parfois je suis hyper à l'aise avec tout ça et je me dis qu'après tout si ça me détend pourquoi pas. Et puis quand j'essaie de creuser un peu (parce que c'est bien aussi de réfléchir à notre rapport à tout ça) je me dis que c'est quand même étrange ce truc d'aller regarder la vie d'une autre femme comme ça, sans que je ne la connaisse personnellement. 

Je crois qu'il y a plusieurs analyses. 

Néroli c'est une femme de mon âge, elle a une fille, elle vit dans un appartement avec son mari à Annecy. Clairement ça pourrait être moi si je vivais dans le coin. La plupart des influenceuses que je suis ont mon âge et sont des femmes "normales", ou du moins qui correspondent à ma normalité. Dans une autre vie, on pourrait être amies. Je crois que l'identification marche à fond.  

Ensuite, je pense que ça permet de se sentir moins seule à certains moments, ce sont des copines virtuelles auxquelles on peut fort s'identifier et qui sont tout le temps disponibles. C'est un peu triste comme analyse mais finalement, est ce que ce n'est pas à ça que servent les réseaux sociaux ? Une sorte de fenêtre sur le monde où on retrouve tous nos copains virtuels avec la sensation de n'être jamais seul. 

Oui ça fait peur dit comme ça. 

En même temps, c'est un des côtés positifs des réseaux sociaux, de trouver des gens dans des situations similaires à la nôtre, de se dire que telle ou telle personne vit, ou a vécu la même chose que nous. Ca peut énormément aider quand on vit quelque chose de triste ou d'angoissant. Avant, on achetait des livres ou on regardait des films ou documentaires pour trouver des gens dans des situations similaires à la notre. Maintenant, en quelques clics, on trouve des personnes qui racontent leur deuil, leur accouchement, leur vie de famille, leur rupture amoureuse... Est ce que c'est nécessairement une bonne chose ? Si ça fait du bien, sans doute que oui. Moi ce qui me gêne le plus derrière ça c'est le côté "télé réalité". Que tu cherches quelqu'un dans une situation similaire à la tienne, c'est humain, que tu te mettes à regarder des vidéos de cette personne qui fait ses courses quasiment quotidiennement, c'est encore autre chose. Je ne sais pas si j'exprime bien la nuance. 

Cependant, comme tout est politique, et en premier lieu l'intime, il y a des formes d'exposition sur les réseaux sociaux qui sont aussi nécessaires pour faire avancer la société. Je pense aux familles homoparentales par exemple. Voir une famille homoparentale faire ses courses et voir que tout est "normal" permet aussi de normaliser ce type de famille. Voir un mec se maquiller en vidéo c'est politique et c'est important pour normaliser le fait que les hommes aussi ont le droit de se maquiller.

Bref, vous l'avez compris, mon avis n'est pas tranché.

Revenons au postulat de base, j'aurais peut-être pu, en soignant un peu mes blogs, mes réseaux etc, être blogueuse.

Le problème est que je déteste "être connue". J'ai déjà fait deux trois articles qui ont "fonctionné", sur Twitter j'avais quasiment 1000 abonnés à un moment. Je sais que ce n'est pas grand chose par rapport aux milliers, millions d'abonnés de certain.e.s, mais juste à cette échelle là j'avais détestée être sollicitée. Je n'aime pas trop qu'on vienne me parler de ce que je fais, me dire si on trouve ça bien ou pas. Et comme tout le monde se croit légitime à donner son avis sur tout en permanence, tu te retrouves forcément avec des avis comme ça. Bref, je n'aime pas les interactions sociales, même virtuelles. Je n'aime pas m'exposer aux critiques, qu'elles soient bonnes ou moins bonnes. Pourtant j'aime raconter des choses et le faire publiquement. C'est étrange, non ? 

Je déteste aussi le côté "mis en scène" où il faut que tout soit joli et tout soit instagrammable partout. C'est pour ça que les photos que je publie sur Insta ne sont pas toujours jolies ou bien cadrées. Parce que je m'en cogne d'avoir plein de likes et que remettre un peu de fouillis sur Instagram c'est peut-être pas si mal.

Pour ces deux raisons, je n'aurais pas pu être influenceuse. 

Alors pourquoi continuer à raconter des trucs sur les réseaux sociaux ? 

Je crois que je n'aurais jamais vraiment la réponse. Sûrement un mélange de plein de choses. Dans mon cerveau ça bouillonne à mille à l'heure quasiment en permanence (oui c'est fatigant d'être moi) et j'aime bien partager mes réflexions sur l'internet, parce que j'ai la prétention de penser que je m'exprime pas trop mal et que quand je le fais, les gens ont l'air d'apprécier. Parce qu'à ma toute petite échelle j'ai l'impression que quand je publie une réflexion féministe, un truc sur la parentalité, quelque chose de politique, je me dis toujours que si j'arrive à faire réfléchir au moins une personne qui me lit, ce sera déjà ça de gagné. Le pire c'est qu'au quotidien, je ne suis pas très militante. Mes réseaux sociaux servent peut-être à ça, à être encore un peu militante, alors j'ai quasi complètement lachée l'affaire au quotidien. Mais ça, ça marche quand je raconte des trucs politiques. 

Quand je poste une photo en story de muguet parce qu'on est le 1er mai, quel est le but ? Pourquoi on fait tous ça, si ce n'est par narcissisme ou pour se montrer ?

De toutes façons, j'ai l'impression que les story sur Instagram n'ont vraiment été crées que pour ça. Pour que les gens se montrent. Pour dire : "regardez ce que je fais, avec qui je suis, où je suis". Quand tu publies une photo de la glace que tu es en train de manger en disant que c'est bon, c'est quoi l'intérêt ? 

Et pourquoi on passe des heures à regarder ce type de vidéos et photos ?

Je ne juge personne, je le fais aussi parfois. Je me dis aussi que ça permet de se sentir moins seule (on en revient toujours à ça) mais quand tu partages déjà ta glace avec quelqu'un dans la vraie vie, à quoi ça sert de le montrer sur les réseaux ? 

Je n'ai pas de réponses définitives à ces questions. La réflexion est assez brouillone. Je voulais juste poser tout ça quelque part parce que le livre "Les enfants sont rois" de Delphine de Vigan m'a fait beaucoup réfléchir à tout ça. Je réfléchissais déjà beaucoup à mon rapport aux réseaux sociaux avant cela, mais ce livre a encore mis une pièce dans la machine. 

Comme tout le monde, je passe trop de temps sur les réseaux.

Parfois je supprime instagram, quand je trouve que j'y vais trop. Mais je finis toujours par le réinstaller. Je n'ai plus les appli Facebook et Twitter sur mon téléphone depuis longtemps. Je n'ai jamais eu Tik Tok, je suis trop vieille pour ça. 

Ce rapport aux réseaux sociaux me fait aussi beaucoup réfléchir par rapport à l'enfant. Le concernant c'est simple, je ne publie aucune photo de lui face visible. De temps en temps, très très rarement, il y a une photo de lui de dos sur mon compte insta public, et plus souvent sur mon compte privé. Dans tous les cas, jamais de photo où il est reconnaissable. Parce que je ne détiens pas son droit à l'image. En tant que parent, mon rôle est de le protéger, certainement pas de l'exposer, et encore moins d'en faire un gagne pain. Les comptes insta ou youtube, où les enfants sont les gagnes pain des parents me font froid dans le dos. De plus, la plupart des photos qui se retrouvent sur des sites pédophiles sont mises en ligne par les parents. Je n'ai évidemment aucune envie que mon fils se retrouve sur ce genre de site. 

Ma position quant à l'exposition de mon fils sur les réseaux est la même depuis qu'il est né et ça ne changera pas. Même s'il est très très mignon et que parfois je meurs d'envie de publier une photo de lui. Mais ça sert à quoi à part satisfaire ma fierté de daronne d'avoir un enfant aussi beau ? 

Bref, protégeons nos enfants de l'Internet.

Par contre, un autre sujet vient sur la table depuis quelques temps, c'est mon rapport au téléphone et aux réseaux sociaux en présence de l'enfant. Parfois - et comme beaucoup de parents j'imagine - je suis là mais pas vraiment là car sur mon téléphone, alors que je suis avec l'enfant. Quand je suis solo avec lui, j'ai du mal à lacher mon téléphone, parce que ça me donne l'impression de pas être seule je pense. Je raconte des trucs à mes ami.e.s, pas forcément sur Insta, mais j'envoie des messages. Parfois, on est à trois (l'enfant, son père et moi) et son père et moi sommes chacun sur nos téléphones. Quand mon mec va lui changer sa couche et que j'ai trois minutes de tranquilité devant moi, mon premier réflexe est de sortir mon téléphone. 

Bon, rassurons-nous, nous passons aussi plein de temps de qualité avec lui sans être sur nos téléphones. Je ne suis pas sûre que ce soit le cas dans toutes les familles (oui je juge). A tel point qu'à la crèche il y a des petites affiches pour demander aux parents de ranger leur téléphone quand ils viennent chercher leur enfant pour vraiment disucter avec l'assistante, pour avoir un vrai temps d'échange et retrouver leur enfant sans regarder leur téléphone en même temps. Le fait qu'on soit obligé de dire ce genre de choses aux parents me laisse pantoise, tellement c'est une évidence pour moi. Donc je me dis que ça va, je ne dois pas être si mauvaise. N'empêche que je n'aime pas montrer cette image là à mon fils. Je n'aime pas être cette maman-là. Je n'aime pas qu'il me voit sur mon téléphone toutes les trois minutes pour un oui ou un non. Parce qu'en étant sur mon téléphone en sa présence, je lui montre que c'est chouette d'avoir un téléphone. Je préférais qu'il me voit en train de lire par exemple, sauf que ce n'est pas quelque chose que je fais en sa présence parce que je ne peux pas me concentrer plus de trois minutes quand il est là (rappel : l'enfant a deux ans). 

Ca me pose beaucoup question sur l'image qu'on renvoie à nos enfants en étant accro à nos téléphones. 

Je me console en me disant que les parents d'avant avaient sans doute d'autres sources de distraction en présence de leurs enfants et que ce n'était pas forcément meilleurs pour les enfants (la télé par exemple). 

Alors j'essaie de me discipliner, j'essaie de ne pas être trop sur mon téléphone quand il est là, et même quand il n'est pas là à vrai dire. On gagnerait sans doute tous à être moins sur nos téléphones (coucou j'enfonce des portes ouvertes). Vaste sujet.

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Récemment deux personnes de mon entourage ont eu des bébés. Dans les deux cas, on a eu la photo du nouveau-né avec la mère qui vient d'accoucher. Je me suis dit qu'on faisait vraiment toutes et tous les mêmes photos. Je me suis dit qu'on était limite tous interchangeables. Il faudrait qu'on fasse un album photo géant de toutes les photos de mère avec leur nouveau né à la naissance. Je suis sûre qu'on y trouverait plein de réponses à des questions très philosophiques.

Puis j'ai dit félicitations et j'ai faillit dire ce truc un peu débile qu'on m'a moi même dit quand l'enfant est né : "profitez parce que ça passe vite !". Il se trouve qu'en ce moment on a acheté un lit de grand pour l'enfant et qu'on a enlevé la table à langer de sa chambre. Notre bébé grandit. Et oui ça passe tès vite. Alors de voir ces photos de nouveau-né ça rend forcément un peu nostalgique. Mais je n'ai finalement rien dit, parce que je me suis souvenue qu'au début ça n'a pas de sens de "profiter". Je me suis souvenue de ce temps du début où tout est suspendu. Dans mon souvenir, c'est un temps très long où tout est au ralenti, où le jour et la nuit n'ont plus de sens, où tu n'es pas vraiment fatiguée, tu es dans un espèce d'état second (coucou les hormones!). Ca dure quelques jours, quelques semaines. Et puis la vie reprend, changée à tout jamais. 

Peut-être que pour un deuxième c'est différent, peut-être que tu as plus cette notion de vouloir "profiter" tant qu'ils sont tout petits, parce que tu sais que oui ça passe vite. Tu sais que ton tout petit finira par marcher, parler, avoir un lit de grand. Mais pour un premier, ça n'a pas de sens. Au début, tu ne peux pas t'imaginer qu'un jour ton enfant sera "grand". Tu l'envisages vaguement mais tout est si long, le temps est si étiré, tu n'as plus de notion du temps, du jour et de la nuit, comment imaginer une seule seconde qu'un jour ton enfant sera grand ? Je crois que c'est un des rares moments de ma vie où je n'ai pas eu d'autres choix que d'être dans l'instant présent. Les nouveaux-nés forcent à cela, à se concentrer seulement sur ce qui est en train de se passer. Mieux que n'importe quel bouquin de méditation.


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Toujours dans un objectif de passer moins de temps sur mon téléphone, j'aimerais bien revenir plus souvent par ici écrire des trucs, des réflexions, des pensées, des choses pas toujours abouties, mais on s'en fiche, non ? 

C'est pour ça que j'ai intitulé cet article "Fourtou 1", j'aimerais bien revenir plus régulièrement ici écrire des articles un peu fourre-tout.

J'aimerais bien retrouver un peu la spontanéïté des mes skyblogs d'ado justement et m'extraire des post ou story instagram qui ne permettent pas de développer ma pensée. 

A réfléchir.

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