Le bilan 2024 !

Et c'est parti pour l'article bilan. 

On commence par quoi ?

On commence par relire le bilan de l'année dernière et clairement, il n'y a pas beaucoup de choses qui ont changé, je pourrais écrire mot pour mot les mêmes choses. Mais on va quand même tenter d'apporter un peu de nouveau dans tout ça. 


On va commencer par l'aspect professionnel. Comment dire les choses clairement ?

Ca a été le chaos. Ca fait 8 ans que je suis avocate cette année dont 5 ans complètement à mon compte et je crois que ça a été une des années les plus dures de ma carrière, sur - presque - tous les plans. 

Je fais du droit des étrangers. Si je vulgarise au maximum, mon job consister à aider juridiquement les étrangers qui veulent rester en France. C'est très varié, ça recoupe énormément de choses différentes. Depuis 8 ans, j'ai vu dans mon bureau des dizaines de nationalité différentes, des centaines de parcours différents, des gens malades, des enfants, des pauvres, des riches... Mais au global, si les gens se retrouvent dans mon bureau c'est qu'ils ont été malmenés par la vie à un moment ou un autre, qu'ils ont quitté leur pays d'origine parce que ça n'allait pas. Après avoir traité des centaines de cas différents, je pense que je peux l'affimer, absolument aucun étranger ne quitte son pays le coeur léger. Absolument tous les étrangers que je croise quittent leur pays parce qu'ils y subissent une forme de violence. Les gens nous racontent leur histoire. On passe notre temps à entendre des histoires sordides, tragiques, tristes, violentes. Et autant pendant 7 ans, je l'ai plutôt "bien vécu", autant cette année ça a été très dur. 

Pourquoi cette année a été plus dure ? 

Globalement déjà depuis que je suis mère, dès qu'il y a des enfants dans les histoires ça me fait mal au coeur. Je ne compte plus les mères qui ont laissé leurs enfants derrière elles parce qu'elles n'avaient pas le choix et qui viennent en Europe dans l'espoir d'une vie meilleure. A chaque fois j'ai eu envie de leur tenir la main et de leur dire que je suis moi aussi maman et que je ne peux qu'imaginer la douleur qu'elles ressentent de vivre à des milliers de kilomètre de leurs enfants, sans même parfois savoir s'ils vont bien. Et puis il y a les enfants qui dorment à la rue. Les enfants ballotés de foyer en foyer avec leur parent. A chaque fois je pense à mon propre enfant et je me dis qu'un destin ça tient à rien, à une naissance du bon côté du globe. A chaque fois ça me brise le coeur et à chaque fois je me dis que s'il y a une dernière raison de faire ce métier c'est pour les enfants qui arrivent en Europe ou qui naissent ici et qui n'ont rien demandé à personne. En donnant une situation à leurs parents, je me dis que je leur donne une chance d'avoir une vie meilleure un jour.

Ensuite, je crois que c'est la première année où je me suis sentie aussi impuissante. 

Je le rappelle et j'ai insisté là dessus dès le début, mon rôle est d'aider juridiquement les étrangers. Je fais avec les moyens de droit dont je dispose et qui sont par définition limités et surtout encadrés par des lois. Ce n'est pas moi qui fais la loi et ce n'est pas moi qui prends la décision finale, je ne suis pas juge. Par exemple si la loi dit qu'il faut 3 ans de présence en France pour avoir tel titre de séjour, l'étranger qui vient me voir et me dit qu'il souhaite avoir un titre de séjour mais n'a que deux ans de présence sur le territoire, je ne vais pas pouvoir faire de miracles. Dans d'autres cas, et heureusement, j'ai une marge de manoeuvre. Mon rôle c'est aussi d'interpréter les textes de loi et de leur faire dire ce que j'ai envie qu'ils disent. Mais j'ai plus ou moins de possibilités, selon les textes, selon les situations. Et à la fin, ce n'est pas moi qui prends la décision. Je peux me battre comme une folle sur certains dossiers et être persuadée que "j'ai raison", si le juge dit non, je ne peux pas y faire grand chose. Il faut savoir que le droit des étrangers c'est un droit très décevant et très décourangeant. On s'attaque à une machine qui est donc l'Etat français et on perd beaucoup de dossiers. Mais heureusement on a de temps en temps des belles victoires ! 

De base, il faut donc être bien accroché pour faire du droit des étrangers : on entend beaucoup de choses horribles au quotidien et on perd beaucoup de dossiers. 

Mais cette année, tout ça a été décuplé. Notre adversaire principale, je l'ai déjà dit, c'est l'Etat français. Et cette année, l'Etat a été - en tout cas dans mon département - particulièrement défaillant pour plein de raisons qu'il serait compliqué d'expliquer ici. On a vu défiler dans nos bureaux des profils qu'on avait moins l'habitude de voir c'est à dire que ces gens pour lesquels "tout va bien" en temps normal, se sont retrouvés tout à coup sans titre de séjour, sans papier, avec des conséquences dramatiques sur leur situation : rupture du contrat de travail, rupture des droits sociaux, expulsion de logement etc. Beaucoup de gens ont sombré dans la précarité. On a pu faire quelque chose pour ces gens, du moins au début. On a saisi les tribunaux et on a pu obtenir des titres de séjour. Seulement, au vue de l'ampleur, les tribunaux se sont vite retrouvés engorgés (encore plus qu'ils ne le sont déjà) et ils se sont mis à moins nous suivre sur nos demandes, à opérer une sorte de "tri" entre ce qu'ils estimaient relever d'une véritable urgence et ce qui pouvait finalement attendre un peu. Les délais de traitement des dossiers sont devenus plus longs aussi. 

Et c'est là que c'est devenu difficile. J'en ai la boule au ventre rien qu'en l'écrivant. Parce que nous avocates, on s'est retrouvé au milieu de tout ce merdier, c'est à dire avec d'un côté des gens qui voulaient qu'on fasse quelque chose pour eux et qui voulaient solutionner leur problème rapidement parce qu'ils étaient dans la merde et de l'autre côté des juges qui ne nous suivaient plus sur nos demandes. Juridiquement, on s'est retrouvé quasiment sans solution pour ces gens. Et les gens ne comprenaient pas pourquoi. Leur situation était purement injuste, mais juridiquement on était bloqué. Et je n'en pouvais plus de recevoir des mails de gens qui m'expliquaient leur situation sans pouvoir rien y faire ou presque. Tous les jours recevoir des récits de misère, sans pouvoir y faire grand chose, c'est dur.

Moi ce que "j'aime" dans mon métier et qui va bien avec ma personnalité finalement, c'est que je suis là pour aider les gens juridiquement, je ne suis pas là pour pleurer avec eux, je ne suis pas là pour gérer l'aspect psychologique, je ne suis pas leur psy, leur assistante sociale etc. Je me "cache" un peu derrière mon masque d'avocate froide et ça m'arrange bien la plupart du temps. Ca me permet aussi de garder la distance nécessaire et de ne pas sombrer avec eux. Mais ça c'est valable quand juridiquement je peux faire quelque chose. Je suis loin de gagner tous mes dossiers, le droit des étrangers c'est ingrat au possible, on perd beaucoup mais au moins on peut tenter des choses. Là cette année, c'est comme si on était bloqué de partout sans pouvoir faire grand chose ou presque. 

Parce que, non seulement les tribunaux ne nous ont plus suivi dans nos demandes, mais en plus, pour des raisons qu'il serait encore une fois très compliquées d'expliquer ici, on a aussi parfois bossé sans être payé à la fin.

Donc si on résume : une administration défaillante, plus de misère, moins de solutions juridiques, beaucoup de boulot et moins d'argent.

Et là j'en vois certains lever les yeux au ciel avec toujours ce mythe de l'avocat qui gagne plein d'argent et qui doit se dire que "oh ça va on n'est pas à un dossier près". Si vous me lisez régulièrement ici ou sur insta, ou si vous avez écouté notre formidable podcast avec mon associée, vous le savez, c'est faux. Non je ne gagne pas énormément d'argent, j'ai un train de vie confortable et je ne me plains pas mais je ne suis pas riche. 

Cette année, mon associée après avoir annoncé ses honoraires à une cliente, s'est entendue répondre : "alors c'est une question d'argent en fait c'est ça ?". Cette phrase résume à elle seule toute l'incompréhension autour de notre métier concernant les questions d'agent. Quand on fait du droit des étrangers, on touche à l'humain, à la misère sociale. On bosse beaucoup avec des associations, des bénévoles, des assistantes sociales, mais à la différence de tous ces gens, nous c'est notre business. C'est pas joli à dire, mais c'est la vérité. J'ai besoin que mon activité soit rentable pour pouvoir me payer à la fin du mois. Et encore une fois je ne demande pas à gagner énormément. Je m'en fiche de gagner énormément d'agent, je critique suffisamment les millionnaires et les milliardaires pour ne pas aspirer à en devenir une. J'ai besoin d'une rémunération correcte en fonction du temps que je passe à travailler, de mes compétences, des études longues que j'ai faites pour y arriver (ça pose mille questions philosophiques, économiques sur qu'est ce qu'une rémunération juste...). Alors oui, pour répondre à la cliente de mon associée, oui c'est une question d'argent. Je ne fais pas ça gratuitement. C'est pour ça aussi que le droit des étrangers c'est compliqué, on voudrait aider tout le monde, mais financièrement, il faut être rentable.

De toutes façons, ces questions d'argent c'est un faux procès. On fait tellement de choses à perte, tellement de choses gratuitement. En droit des étrangers c'est quasi "obligatoire". Et de manière globale les meufs avocates facturent moins que les hommes (coucou le syndrome de l'imposteur). 

Ca a été une année très stressante, pour toutes ces raisons. 

A tel point qu'aujourd'hui c'est compliqué de me remettre complètement dans le travail. J'ai encore des périodes de rush, des périodes de stress, on en a tous, mais j'ai l'impression que je les gère moins bien qu'avant parce que j'ai peur de mal vivre tout ça et de me laisser submerger. 

Je ne sais pas si je suis claire mais ce qu'il faut retenir c'est que ça a été une année difficile. 

Un autre point qui a rendu l'année particulièrement difficile au niveau professionnel : le contexte sociétal et politique. Partout dans les médias cette année on a entendu des horreurs sur les étrangers. On a beaucoup parlé des obligations de quitter le territoire et des horribles étrangers violents, violeurs et j'en passe. Cette présentation faite des étrangers est très différente de ma réalité et de ce que je vois dans mon bureau. A tel point que j'avais l'impression de vivre dans une autre réalité. J'avais l'impression d'être complètement dissociée, mon cerveau ne comprenait pas du tout l'écart entre les medias et ce que je voyais tous les jours au cabinet. Je ne dis pas que les étrangers sont tous des gentils, mais en fait le seul point commun des étrangers c'est de ne pas avoir la nationalité française, ça s'arrête là. Il y autant de profils, de parcours de vie différents que d'étrangers. Ils ne sont pas tous gentils mais ils ne sont pas non plus un groupe homogène de méchants venus pour faire du mal aux bons français. 

J'ai eu plus que jamais l'impression de vivre dans un autre monde cette année. 

Ce qui m'a donné l'impression d'être complètement barge. Sans déconner, parfois je me suis demandée si j'avais pas déjà complètement lâché la rampe. Disons que je dis depuis le début de ma carrière que c'est une profession qui rend aigrie et que si on fait ça toute sa vie, on finit complètement taré. Je me demande s'il n'est pas déjà trop tard, si je ne suis pas déjà devenue complètement folle.

Des fois je me demande si le fait de ne plus vraiment savoir gérer la misère des gens et de gérer le stress, ça ne signerait pas le début de la fin de ma carrière. Mais paradoxalement, j'ai pas eu envie d'arrêter ce métier cette année.

Je crois que cette année, j'ai aussi plus que jamais réalisé la chance que j'avais d'avoir créé mon propre emploi, de ne rien devoir à personne. Dans un monde où beaucoup de gens se cherchent, remettent en cause le travail, l'entreprise, se font virer etc, j'ai une chance inouïe d'avoir mon propre emploi, de ne pas avoir de patron, d'aimer un minimum ce que je fais, d'y trouver mon compte, de me rémunérer correctement. Ma chance c'est aussi mon associée. Je sais qu'elle va me lire et elle sait déjà tout ce que je pense d'elle et de notre binôme mais sans elle, j'aurais déjà probablement arrêté ce métier. C'est très précieux d'avoir quelqu'un avec lequel on s'entend bien dans ce métier. Sans elle je n'en serais clairement pas là. Elle me pousse (sans le savoir et sans le faire exprès je pense) à être une meilleure avocate.

Cette année j'ai commencé un peu à assumer le fait de moins travailler aussi. Je m'explique. Dans notre société, la valeur travail est forte : il faut travailler pour gagner de l'argent. Et a forciori quand on gagne bien voire très bien sa vie il faut que ce soit parce qu'on travaille beaucoup. Et j'avais un peu ce truc de me dire : ok je gagne correctement ma vie, il faut que je fasse des grosses journées de travail. Quand j'ai commencé et que je n'étais pas à mon compte, je travaillais tard et il était impensable pour moi de partir du travail avant ma boss par exemple. Après au début il te faut aussi plus de temps pour faire les choses et c'est "normal" de beaucoup travailler pour apprendre. Mais j'avais clairement cette culture du : "il faut que je bosse beaucoup pour justifer ma rémunération". Depuis je suis à mon compte et surtout depuis, j'ai un enfant ; un enfant que j'aime voir grandir, que j'aime aller chercher à l'école à 16h30 et avec lequel de temps en temps j'aime passer des mercredi. 

Clairement, je pense que mon fils est prioritaire par rapport à mon métier. Alors après il faut quand même travailler pour répondre à ses besoins, mais clairement c'est quand même lui que je priorise, et plus globalement ma vie de famille. Parce qu'il ne sera pas toujours un petit enfant, qu'il est adorable et que je n'ai pas envie de passer à côté de tout ça. 

Alors, je m'autorise à aller le chercher à l'école à 16h30 une fois par semaine a minima et à prendre des journées off avec lui le mercredi environ tous les deux mois, ce qui fait des petites journées de travail et parfois des petites semaines. Alors les autres jours sont souvent des plus grosses journées de travail mais quand je dis grosse journée, ce ne sont peut-être pas des grosses journées pour certain.e.s. C'est à dire que même quand je bosse beaucoup, c'est rare que je sois chez moi apès 19h, parce qu'à 19h on mange à 3, que l'enfant va au lit ensuite et que c'est hyper important pour moi d'être là avec lui pour le repas et surtout de lui faire un bisou avant qu'il aille au lit. Je n'aime pas ne pas le voir avant qu'il se couche. Et non je ne compense pas par le fait d'aller bosser très tôt le matin parce que je ne suis pas du matin et que parfois c'est aussi moi qui l'emmène à l'école à 8h30 donc au plus tôt je suis au bureau vers 9h. Parfois ça m'arrive de rebosser le soir mais honnêtement j'ai souvent la flemme.

Et puis je suis humaine. La journée je bosse avec mon associée et de supers collègues de travail avec lesquelles parfois je déjeune, je papote etc, je ne suis pas productive 10h par jour. 

Bref, c'est plutôt confortable comme façon de bosser. J'en ai conscience.

Mais j'ai longtemps eu du mal à assumer ce truc de "moins bosser" parce qu'on vit dans un monde où il faut bosser beaucoup et aussi parce qu'il y a ce mythe de l'avocat qui bosse énormément tout le temps. Et pourtant à côté de ça je suis pleine de grandes théories sur le travail, je raconte partout que de toutes façons on bosse trop, que ça sert à rien, qu'on se gâche la vie, qu'on devrait tous avoir un salaire minimum et bosser moins pour profiter de notre vie et de nos proches. Cette année, je me suis dit qu'il était temps d'assumer ce truc-là. Je suis à mon compte, je n'ai pas de patron à qui rendre des comptes, si moi je n'organise pas mon temps de travail comme je le souhaite, si moi je ne montre pas l'exemple, qui le fera ? Alors j'ai décidé d'assumer, c'est d'ailleurs pour ça que je l'écris ici. NON je ne bosse pas 50h par semaine, OUI il y a des semaines où je suis à moins de 35h par semaine. Non je n'exploite personne pour travailler à ma place. Oui je gagne ma vie correctement. Non ça ne fait pas de moi une mauvaise avocate. 

En réalité ce que je souhaiterais vraiment c'est bosser 4 jours par semaine comme avocate et avoir un 5ème jour soit avec mon fils, soit à avoir du temps pour moi. En pratique c'est encore compliqué à mettre en place, parce que le reste du monde bosse 5 jours par semaine et parce que ça supposerait de faire 4 grosses journées à côté. Moi ce que je voudrais c'est un "vrai" 4 jours par semaine, avec des horaires de boulot correct pendant 4 jours, pas un 4 jours à bosser comme une dingue pour compenser le fait de pas bosser un cinquième jour. 

Tout ça "n'annule" pas ce que j'ai dit plus haut. Au contraire. C'est justement parce que l'année a été stressante, éprouvante que j'ai décidé de lever le pied et d'assumer pleinement de le faire. 

Et je crois que j'aime bien aller un peu à contre courant de ce que les gens pensent savoir du métier d'avocat. 

Désacralisons le mythe de l'avocat qui bosse énormément et qui gagne plein d'argent. 

Allez, on a suffisamment parlé du métier d'avocat. Parlons de la parentalité. Les deux sujets centraux de ma vie (ahah).

Je le dis depuis que l'enfant est né : ma vie consiste à être avocate 80% du temps (si ce n'est pas en temps réel, c'est en temps dans ma tête) et à être mère le reste du temps. Depuis 3 ans, je ne sais pas ou peu, être autre chose. Ceci dit quand je fais la rétrospective de cette année, j'ai quand même eu l'impression d'avoir fait un peu plus de choses pour moi, avec mon mec (sans l'enfant) ou avec mes copains / copines. L'enfant grandit, ça aide. Je suis allée à Londres avec des copains en février tout un week-end. On a fait un week-end à deux (avec mon mec) à Anvers en avril puis à Versailles en août. Sans compter les petites soirées où l'enfant est gardé, et les restos du midi. 

J'ai aussi passé plusieurs jours solo à la maison à deux périodes, et ça a été un peu bizarre, mais pas désagréable. Même si j'avais hâte de les retrouver. Mais la vérité c'est que j'aime ma vie de famille. L'enfant est de plus en plus mignon et drôle. J'adore le voir évoluer et grandir. On peut avoir de vraies petites discussions avec lui maintenant et c'est un vrai plaisir. Je serai quand même incapable de passer mes journées entières avec lui. Je l'aime très fort mais j'ai besoin de faire autre chose de mes journées. Ca a toujours été le cas. Je n'ai jamais eu honte de le dire : revenir au travail après mon congé maternité ça a été bénéfique pour moi. Même si ça m'a fait mal au coeur (et un peu peur) de le confier si petit à une autre femme, je pense que j'aurais été malheureuse si j'avais du m'en occuper tous les jours jusqu'à ses trois ans. Bref, j'ai envie de le voir beaucoup et de passer beaucoup de temps avec lui, mais pas toutes mes journées. C'est toute l'ambivalence parentale et l'équilibre est parfois difficile à trouver. Chaque fois que j'ai du m'éloigner de ma vie de famille pendant deux jours ou + cette année, à chaque fois j'étais contente mais à chaque fois j'ai quand même eu vite envie de le (ou les) retrouver. Bref, c'est un truc insoluble et qui durera de toutes façons toute ma vie.

Mais le fait est que cette année, j'ai encore eu du mal à tout concilier. Si je ne concilie pas trop mal vie de famille et vie professionnelle, je n'ai que peu de places pour le reste. Je ne sais pas toujours être une bonne amie, une bonne soeur, ou autres. Je ne compte plus le nombre de messages auxquels je n'ai pas répondu. Un début d'explication : dans mon métier je suis sollicitée plusieurs fois par jour, le soir quand je rentre, j'avoue que c'est plus "facile" de scroller sur mon téléphone que de répondre à des messages ou prendre des nouvelles des gens. C'est nul je sais. J'essaie de m'améliorer. J'essaie aussi de "prioriser", d'être plus là pour certaines personnes quand elles en ont besoin, d'être là à certains moments, même si ce n'est pas au quotidien. Le problème est aussi que j'ai besoin de temps pour moi. J'aimerais faire partie de ces gens qui adorent sortir et voir du monde en permanence. Moi je ne suis pas comme ça. Si j'aime sortir et voir du monde de temps en temps, j'ai aussi besoin de temps peinard dans mon canapé. 

Bref, j'écrivais déjà sur tout ça l'année dernière, mais c'est compliqué - pour moi en tout cas - d'être une bonne mère, une bonne avocate, une bonne amie.

Mais je crois que de toutes façons c'est le problème d'énormément de personnes : on vit dans un monde où on nous a fait croire qu'on pouvait tout être et tout faire en même temps, mais c'est faux. Alors je fais du mieux que je peux.

Il est temps d'aborder LA question, celle que certain.e.s m'ont posé cette année : la question du deuxième enfant.

On a un enfant. Il a trois ans. Les gens se demandent où est le deuxième. Cette année j'ai commencé à la ressentir cette petite "pression" de faire un deuxième enfant.

Par exemple, j'ai publié une photo de mon fils sur mon instagram perso (oui j'ai un insta perso), on le voit de loin dans son lit de grand. Quelqu'un a commenté en disant un truc du style "c'est bon il est grand, vous pouvez faire le deuxième". Le but n'est pas ici de "régler des comptes" avec cette personne mais vraiment de passer un message général : NE FAITES PAS CA.

Encore une fois, et je ne sais pas combien de fois il faudra le dire pour que ça rentre dans la tête des gens mais vous ne connaissez rien de la vie des gens. Que ce soit pour le premier, le deuxième ou le dixième enfant. Peut-être qu'on en veut un deuxième ou pas. Et ce n'est pas parce qu'à un moment quelqu'un a dit qu'il souhaitait un deuxième, troisième, cinquième (ou peu importe) enfant, que c'est toujours le cas quelques mois plus tard. Le changement d'avis c'est possible aussi pour les enfants. Peut-être qu'on essaie de le faire ce deuxième enfant et que ça ne fonctionne pas. Peut-être que c'est douloureux. Peut-être qu'on n'en veut pas. Peut-être qu'on en a voulu à un moment mais que ce n'est plus le cas. Ce n'est pas comme si je ne m'étais pas déjà longuement exprimée sur la PMA ici, sur les réseaux sociaux et "dans la vraie vie". Je n'ai jamais caché à personne le fait qu'on avait eu recours à la PMA pour avoir notre premier enfant. Donc a priori on ne fait pas les enfants "facilement", donc POURQUOI se permettre ce genre de remarque ? Au mieux, c'est maladroit. Au pire, c'est douloureux.

J'avais évoqué nos difficultés à concevoir dans le bilan 2020 (le bilan le plus déprimant de tous), puis la PMA dans le bilan 2021 et j'avais fait tout un article sur la sexualité et la conception d'un enfant par ici.  

Et peu importe qu'on ait eu recours ou pas à la PMA pour le premier en fait. Dès qu'on a un enfant, les gens s'attendent à ce qu'on fasse obligatoirement un deuxième, or plein de gens ne veulent pas d'autres enfants. Ensuite, des gens qui ont leur premier enfant facilement et galèrent pour le second ça existe aussi. Bref, vous ne savez pas ce qu'il se passe dans la vie des gens donc la règle de base c'est de ne rien dire. 

Attention, je fais quand même une différence entre le fait de balancer ce genre de remarque sur les réseaux sociaux à des gens que vous cotoyez de loin et le fait de demander à une amie, dans une conversation privée, avec bienveillance, si elle envisage d'avoir d'autres enfants et si oui où elle en est dans son projet. Je parle assez facilement de tout ça et je sais distinguer les gens qui demandant ça gentiment parce qu'ils sont curieux et veulent sincèrement savoir, de ceux qui te foutent une petite pression directe en mode : "alors c'est pour quand le deuxième ?".

Evidemment que mon entourage et mes ami.e.s proches ont le droit de me demander si on en veut un deuxième.


Arriverait-on à la fin de cet article fleuve ? 

J'ai évoqué pas mal de sujets au final (dont sans doute un peu trop mon travail). Globalement ça n'a pas été une mauvaise année à titre purement personnel. L'enfant grandit très bien et ça me rend incroyablement heureuse. J'ai l'impression que d'année en année c'est de plus en plus chouette d'être sa mère et ça m'épanouit pleinement. On est une famille assez solide je crois. On forme un vrai duo avec son père, c'est mon vrai partenaire de vie, je sais que quoi qu'il arrive je peux compter sur lui, et je sais à quel point c'est précieux. Tout ça me rend heureuse et me satisfait pleinement. 

Le travail ça a donc été très compliqué, mais je vais pas m'étendre plus dessus. 

Et l'actualité je n'en parle même pas tellement c'est l'enfer, tellement c'est dur, tellement j'ai peur. Il y a eu cette petite victoire de la gauche aux législatives, petite lumière dans cet océan très très sombre. Je suis complètement pessimiste et apeurée quant à l'avenir. Parfois j'aimerais être de ces personnes qui disent qu'elles s'en foutent, qu'elles ne font pas de politique. Absolument tout est politique. Je ne peux pas et ne saurais jamais me dire que si moi dans ma vie perso ça va et bien je ne tiens pas compte de ce qu'il se passe d'un point de vue sociétal. C'est impossible. Seuls les grands privilégiés ont ce luxe.

On est le 4 janvier et on se souhaite tous la bonne année en ce moment. Les gens se souhaitent du bonheur, du rire, de la santé pour 2025. Alors évidemment à titre personnel je me souhaite tout ça et je vous souhaite tout cela. A titre collectif, je souhaiterais la démission de Macron, une victoire de la gauche, un suicide collectif de Trump, Musk et Poutine, une révolution écologique, culturelle, philosophique et économique, l'avénement de la semaine de 3 jours de travail par semaine, la fin du capitalisme, l'avénement d'une société où chacun vivrait comme il l'entend, sans racisme, sexisme, homophobie, validisme (etc). Plutôt que de se souhaiter des choses personnelles (je pense que l'un des gros problèmes de nos sociétés c'est qu'on pense avant tout en terme de liberté individuelle et non en terme de libertés collectives) souhaitons-nous des choses collectivement et essayons - chacun à notre échelle - de les mettre en oeuvre.

Bisous.

A bientôt.

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