Parlons dystopies : "Le meilleur des Mondes" vs "2084" !


Ça me manque d’écrire un peu par ici alors je reviens vous parler de livres. Parce que s’il y a bien quelque chose qui me passionne c’est bien ça. La lecture est le loisir qui m’apporte le plus de satisfaction je crois. 

Quand j’ai appris à lire, je me souviens avoir très vite lu beaucoup. J’ai toujours vu ma mère lire un peu avant de dormir. J’ai vite pris cette habitude également. Puis à 15 ans j’ai eu Internet. J’ai lu moins de livres. Il me semble cependant que j’ai toujours eu plus ou moins un livre en cours. Si je n’ai pas de lecture en cours, ça m’angoisse. Je fais partie de ces gens qui lisent un peu partout dès qu’ils ont 5 minutes à attendre ou un trajet en métro à faire.
Il y a deux ans j’ai eu une sorte de déclic en voyant les bilans cul de solange. Moi aussi je passais beaucoup trop de temps devant les écrans, j’ai donc pris la résolution de plus lire. J’en ai fait une sorte de « compétition » avec moi-même. Pas une compétition culpabilisante, mais je ressens du plaisir quand j’ai fini un livre, qu’il m’a plu et que je peux le rajouter à ma liste de livres que j’ai lus. J’aime bien compter régulièrement où j’en suis et j’aime bien faire mon petit bilan de l’année.
J’ai – par conséquent – un rapport boulimique aux livres, j’en achète beaucoup. Ca a un côté rassurant d’avoir toujours quelque chose à lire mais en même temps c’est hyper angoissant de savoir qu’on a une pile à lire et qu’on ne va pas « au bout ». J’ai l’impression de devoir rattraper les années où j’ai moins lu.
Qu’est ce que je lis ? Des choses assez différentes mais globalement j’aime quand les livres m’apportent quelque chose d’un point de vue culturel. Les romans me plaisent s’ils sont sur fond de vérité historique par exemple ou si ils m’apprennent des choses sur un pays, un mouvement politique, une personne, une culture, une coutume... Je ne lis jamais d’histoires d’amour sauf s’il s’agit de personnalités historiques ou politiques.
J’essaie de lire des femmes écrivaines/auteures/autrices (employez le mot que vous voudrez) parce que c’est important de les mettre sur le devant de la scène. Je lis évidemment pas mal de livres féministes et sur le féminisme parce que s’il y a bien un combat qui me passionne c’est celui-ci.
Depuis le début de l’année, j’ai lu 16 livres dont 4 BD. Ces livres m’ont tantôt transporté en Irak, au Japon, au Biafra, aux Etats-Unis, à Hénin-Beaumont, en Angleterre, en Normandie, en Tunisie mais également dans deux mondes biens particuliers qui n’existent que dans la tête de ceux qui les ont créés... J'ai lu deux dystopies. 

Le point définition 

 
Selon le Larousse une dystopie est une : « Société imaginaire régie par un pouvoir totalitaire ou une idéologie néfaste, telle que la conçoit un auteur donné. »
J’ai toujours trouvé ce genre complétement fascinant et pourtant je n’en ai pas lu beaucoup. Ça me fascine d’imaginer comment sera notre monde dans 30-50-100 ans. Étant quelqu’un d’assez pessimiste j’ai souvent tendance à imaginer qu’on aura complétement pollué la planète et qu’on vivra dans un monde totalitaire où seuls des hommes forts survivront et où les femmes seront totalement asservies. Je pense très sincèrement que nos sociétés vont dans le mur. 
 Le premier du genre que j’ai lu il y a 9 ans est un gros classique du genre, il s’agit de 1984 de Georges Orwell. Je l’ai lu l’été de mes 19 ans en vacances en Turquie (tiens tiens...). Je garde un souvenir glaçant de la fin de ce livre. 

Très récemment j’ai lu « Le Meilleur des Mondes » d’Aldous Huxley et « 2084 la fin du monde » de Boualem Sansal.



2084 la fin du monde
Pitch : L’Abistan, immense empire, tire son nom du prophète Abi, «délégué» de Yölah sur terre. Son système est fondé sur l’amnésie et la soumission au dieu unique. Toute pensée personnelle est bannie, un système de surveillance omniprésent permet de connaître les idées et les actes déviants. Officiellement, le peuple unanime vit dans le bonheur de la foi sans questions.
Le personnage central, Ati, met en doute les certitudes imposées. Il se lance dans une enquête sur l’existence d’un peuple de renégats, qui vit dans des ghettos, sans le recours de la religion…
Parution : le 20 août 2015

Le meilleur des mondes
Pitch : Bienvenue au Centre d'Incubation et de Conditionnement de Londres-Central. À gauche, les couveuses où l'homme moderne, artificiellement fécondé, attend de rejoindre une société parfaite. À droite : la salle de conditionnement où chaque enfant subit les stimuli qui plus tard feront son bonheur. Tel fœtus sera Alpha – l'élite – tel autre Epsilon – caste inférieure. Miracle technologique : ici commence un monde parfait, biologiquement programmé pour la stabilité éternelle... La visite est à peine terminée que déjà certains ricanent. Se pourrait-il qu'avant l'avènement de l'État Mondial, l'être humain ait été issu d'un père et d'une mère ? Incroyable, dégoûtant... mais vrai. Dans une réserve du Nouveau Mexique, un homme Sauvage a échappé au programme. Bientôt, il devra choisir : intégrer cette nouvelle condition humaine ou persister dans sa démence...
Parution : 1932

De la difficulté de lire des dystopies

 

Une chose importante à noter dès le début : la difficulté de lire des dystopies. Je trouve que c’est un genre compliqué à aborder. Les auteurs que j’ai lus ne vous laisse pas le choix progressivement de vous intégrer dans leur monde. Vous y êtes balancés sans préavis. Qui dit autre monde dit autre langage, autres coutumes, autres façons de penser. Dans Le Meilleur des Mondes, j’ai fini par m’habituer au style de ce monde particulier mais je vous avoue que dans 2084 j’ai eu du mal jusqu’au bout à comprendre les événements, à retenir les personnages etc etc. 



La religion dans ces deux romans

 

La grosse différence entre les deux oeuvres (hormis qu’elles ont été publiées avec 80 ans d’écart) c’est que dans 2084 le totalitarisme est religieux alors que dans Le meilleur des mondes il n’y a pas de référence religieuse. 

Dans 2084, tout est basé sur la religion avec un Dieu Suprême et son prophète (que personne n’a jamais vu). Les droits, les devoirs, les obligations, sont religieux. La vie est rythmée par les prières et les pèlerinages. Tout est volonté de Dieu. Il y a évidemment un système de castes avec les puissants qui ont des privilèges et les autres. On distingue les gens à la couleur de leur vêtement, le même pour tous.

Dans Le Meilleur des Mondes, c’est « juste » l’évolution de la société (et c’est peut-être encore plus flippant dans ce sens). Les être humains ne poussent plus dans l’utérus d’une femme, la conception est complétement externalisée du corps humain, le sexe n’est qu’une activité à but récréatif, les modifications génétiques permettent d’avoir tel ou tel type d’être humains et la société est divisée en plusieurs castes : les alphas qui sont les « meilleurs » et les epsilon en bas de l’échelle. Mais – et c’est là le secret de ce monde – les enfants sont conditionnés dès leur plus jeune âge (on leur fait écouter des enregistrements audio en boucle jusqu’à ce qu’ils intègrent ce qu’on veut leur faire intégrer), de sorte qu’ils ont parfaitement intégré leur caste et ne cherchent à aucun moment à se rebeller. Si à un moment, pour une raison X ou Y, vous n’êtes plus heureux, le gouvernement vous fournit de la drogue qui vous permet de vous rendre heureux. Il n’y a pas de père ni de mère et la seule référence à un passé obscure où les femmes accouchaient fait frémir d’horreur la population. Il est également mal vu d’avoir une longue relation avec quelqu’un. On est dans un monde assez solitaire. Ici aussi on distingue également les gens en fonction de leurs couleurs de vêtements. Les alpha ont telle couleur, les gammas en ont une autre...



La place des femmes


Dans les deux romans, les femmes sont quasiment inexistantes.
 Dans 2084, il est clairement dit que les femmes n’ont aucun pouvoir quel qu’il soit, elles sont juste envisagées comme mère, soeur etc. Dans toutes les sociétés qui régressent, les premières à qui on retire des droits, ce sont les femmes. Évidemment je pense à Simone de Beauvoir qui a dit : "N'oubliez jamais qu'il suffira d'une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. Ces droits ne sont jamais acquis. Vous devrez rester vigilantes votre vie durant."

Ça se vérifie aujourd’hui. En pleine crise politique, économique (etc) certains remettent en cause l’IVG, l’intérêt pour les femmes de travailler (etc). La raison est assez simple. Il s’agit de revenir à un monde ancien, traditionnel, complétement idéalisé, le fameux « c’était mieux avant », dans lequel les femmes n’avaient pas ou peu leur place.

Dans Le meilleur des Mondes c’est à nuancer. Il y a une femme qui accompagne le personnage principal. Les femmes ont l’air d’avoir des postes hauts placés mais il y a aussi une règle un peu étrange dans ce monde. Le sexe étant uniquement une activité récréative, les femmes doivent se laisser « prendre » à tout moment ou presque par les hommes. Les femmes sont bien présentes, mais leur statut est-il à envier ? Comme la procréation est totalement externalisée du corps de la femme, la société me semble un peu plus "égalitaire".




La science dans les deux oeuvres


Ce qui m’a frappé dans 2084 c’est l’absence totale d’éléments de modernité alors que c’est quand même censé se passer dans un monde post-internet, post-numérique... Le roman se passe après 2084 (année où tout a changé apparemment) mais Internet n’existe pas, les téléphones portables, la télévision, les ordinateurs (etc) non plus. Les gens vivent de manière très très sobre, ils n’ont pas de table, pas de chaises, pas de décoration... Ils n’ont pas de pantalons, de chemises etc, juste un vêtement traditionnel dont la couleur change selon votre place dans la société. Dans le monde de 2084, vous pouvez mourir de maladies qui dans notre monde, ont trouvé des vaccins depuis longtemps, comme la tuberculose. Les personnes malades sont réunies au même endroit et on les laisse mourir. C’est totalement fascinant même si ça parait un peu irréaliste.
A l’inverse, dans Le Meilleur des Mondes les avancées scientifiques sont omniprésentes. C’est assez « rigolo » d’ailleurs parce que ce livre est écrit en 1930 et c’est donc le monde futur tel qu’envisagé par quelqu’un à cette époque-là... 


Quand le doute s'empare du personnage principal...


Dans les deux cas, on est avec deux hommes qui doutent du monde dans lesquels ils vivent. 
Dans les deux cas, les deux hommes vont chercher autre chose, un autre monde. 


Aussi bien dans le meilleur des mondes que dans 2084, les personnages vont se rendre dans un autre monde, parfois en toute illégalité (dans 2084) parfois avec la bénédiction des autorités (dans Le Meilleur des Mondes) à la rencontre d'un autre fantasmé, imagé, rêvé. 

Dans 2084, le personnage principale, Ati va rencontrer des pairs qui lui aussi doutent des bienfaits de ce monde, il va découvrir toute une organisation secrète qui vise à renverser le monde dans lequel il vit. Cependant, dans ce type de société, tu n'as jamais véritablement d'amis. Ce type de société autoritaire repose sur la surveillance, par un Etat surpuissant, de la population mais aussi par une surveillance constante des gens entre eux. Tu peux être dénoncé constamment par ton époux, ton voisin, ton collègue... C'est là-dessus que repose le fonctionnement de toute société totalitaire. Ce sont les gens qui se soupçonnent entre eux en permanence. De sorte qu'Ati doute en permanence. Et on doute avec lui, on a peur pour lui. Peut-il vraiment faire confiance aux gens qui veulent l'aider ?

Dans Le Meilleur des Mondes, le personnage se sent différent des autres et entraine une amie à lui dans la découverte de cette autre monde. Il fera une grosse découverte et ramènera un "sauvage" dans son monde. Ce "sauvage" ne va évidemment pas s'habituer à ce nouveau monde, ce qui créera de nombreux problèmes... Toute cette partie de l'histoire m'a mise un peu mal à l'aise car je ne me sentais ni en phase avec le "sauvage", censé venir d'un monde "normal" (enfin un monde "normal" de 1930 donc ça explique peut-être les divergences que je peux avoir avec lui...) et le personnage principal qui vient du "meilleur des mondes". A titre d'exemple, le "sauvage" passe son temps à se flageller d'avoir des pensées "impures".



Une réinterprétation de l'histoire VS l'évolution du monde


Dans 2084, il n'existe rien d'autre à part le monde dans lequel vivent les protagonistes. Ce monde est sans frontière, sans passé. Le monde commence en 2084. Évidemment quelques preuves du contraire viennent faire douter le personnage principal. A l'inverse dans Le meilleur des mondes, il s'agit "juste" d'une évolution de la société, il ne semble pas y avoir eu de révolution à proprement parlé. 



Il s'agit de deux livres très différents finalement et qui me parlent beaucoup. 

2084 intrigue parce qu'il évoque l'extrémisme religieux, ce que pourrait donner la société si les terroristes gagnaient leur "combat".

Le monde imaginé par Aldous Huxley est moins improbable et proche de notre monde actuel. Surtout qu'il y a peu, j'ai lu plusieurs articles et écouté plusieurs podcast parlant de certaines avancées scientifiques qui m'ont beaucoup fait penser à ce livre. Attention, je n'ai pas du tout de formation scientifique, je vais donc vulgariser énormément (sorry pour les scientifiques qui passeraient dans le coin). Apparemment il serait possible de créer des cellules souches à partir de n'importe quelle cellule humaine. Une cellule souche est une cellule qui se mute en n'importe quelle autre cellule, tu peux créer à partir d'une cellule souche un coeur, un poumon etc etc. Les cellules souches sont celles qui sont à l'origine de la création d'un être humain. Si tu peux créer une cellule souche à partir de n'importe quelle cellule humaine, tu peux donc créer un être humain à partir d'une cellule de peau par exemple. Autre avancée scientifique, d'ici 50 ans il sera possible de créer des êtres humains hors corps de la femme. Ils ont déjà testé avec une brebis apparemment. Les scientifiques sont même capables de reproduire tous les bruits qu'un bébé entend dans l'utérus (bruits du coeur, de respiration etc). Je trouve ça fascinant. Quant à savoir si c'est une bonne chose, je n'ai pas d'avis pour le moment. Comme chaque progrès, comme chaque avancée scientifique il convient de l'utiliser à bon escient...

C'est en ça que les dystopies sont intéressantes, elles font peur, elles interpellent, elles angoissent un peu mais elles nous font réfléchir aussi sur le monde qu'on a envie de construire. 



J'espère que cet article vous aura donné envie de vous pencher un peu sur ce style très particulier. Pour ma part j'ai encore dans ma pile à lire de belles dystopies notamment le très connu Ravages de René Barjavel, Le Temps du déluge de Margaret Atwood. Il faudrait aussi que je trouve Le dernier Homme et bien entendu la Servante Ecarlate de Margaret Atwood...

Ce dernier roman a fait l'objet d'une série qui s'appelle The Handmaid's Tale et pour être honnête, j'ai présentement regardé 4 épisodes de la saison 1 de cette série et ... OH MON DIEU (c'est le cas de le dire). 
Le pitch : on est plongé dans un monde dans lequel la plupart des femmes (des êtres humains à mon avis) sont devenus stériles. Pour pallier ce problème, des hommes (qui ont fait un coup d'état apparemment) ont décidé de scinder les femmes en quatre groupes : 
- les Martha qui sont les bonnes à tout faire dans les maisons 
- les femmes des hommes qui dirigent le monde, elles sont privilégiées, sont habillées en verts mais ont la malchance d'être stériles (pas d'bol)
- les "tantes" qui sont des connasses chargées d'apprendre aux servantes quel est leur rôle
- les servantes qui sont des utérus sur pattes, ces femmes ne sont pas stériles, elles sont donc affectées à une famille et ont pour mission de pondre des mioches

On vit évidemment dans un monde où la religion contrôle tout, sans liberté individuelle, où chacun est contrôlé les uns par les autres et où vous risquez la mort ou je ne sais quoi d'autres, à tous les coins de rue.

Je ne vais pas en dire plus, je ne voudrais spoiler personne. Cette série est ULTRA angoissante. Sans déconner, j'ai failli finir en PLS à la fin de chaque épisode. Cette série décrit un monde tout bonnement effroyable. Ce qui est le plus flippant ? Il y a énormément de flashbacks et vous savez quoi ? Ça part de NOTRE monde, tel qu'on le connaît là. On a l'impression qu'en quelques années, le monde est devenu fou. 
Bref je ne vais pas en dire plus, je crois que c'est encore trop frais dans ma tête pour avoir un avis un temps soit peu éclairé mais pour peu que vous soyez un petit peu féministe, un petit peu pessimiste quant au monde dans lequel on vit, intéressé par les dystopies, regardez cette série ! (oui c'est un ordre) (prévoyez le Xanax par contre)
(toutes les images illustrant cet article sont issus de cette série)

Et toi, tu lis des dystopies ?

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