Nostalgie népalaise et ascension de l'Everest

Sherpas, fils de l'Everest, de Patricia Jolly et Laurence Shakya.

Le sous-titre est un peu racoleur.
Il manque plus que les putes et la coke et on est sur une émission d'M6 le dimanche soir.


Ces derniers temps, je repense beaucoup au Népal. Nous sommes en plein confinement et on s'est déjà dit dix fois qu'on était contents que cette épidémie ne soit pas arrivée l'année dernière alors que nous nous apprêtions à partir au Népal (oui ce sont des considérations de privilégiés). 
Au-delà de ça je pense souvent - et a fortiori encore plus ces derniers jours - à notre porteur et notre guide. Je me demande s'ils vont bien et ce qu'ils deviennent. Je me demande comment ils vivent cette épidémie dans leur pays. Bref, je pense à eux. 
Alors parfois je regarde avec nostalgie nos photos du voyage et parfois je cherche sur Internet des choses sur ce pays. Je lis des carnets de voyage et cherche des reportages. A ce propos, je vous conseille le Échappées Belles sur le Népal qui est vraiment chouette. 
C'est comme ça que dimanche dernier je me suis retrouvée devant un reportage sur le tourisme sexuel et plus précisément le "tourisme pédophile" au Népal. Vu comme ça, ce n'est pas hyper joyeux comme programme du dimanche soir. Je me suis souvenue que j'avais ce livre, Sherpas fils de l'Everest, dans ma bibliothèque offert par mon copain en revenant de voyage, sur les conseils d'un ami libraire. 

Je l'ai fini en trois jours et j'ai adoré lire ce livre. Les deux autrices mènent une enquête après l'avalanche d'avril 2014 qui a tué 16 sherpas sur l'Everest. Elles expliquent la différence entre sherpa et Sherpa. En gros, sherpa est devenu le nom commun pour porteur alors que Sherpa c'est le nom d'un peuple qui vient des montagnes himalayennes et qui a pour caractéristique d'être complètement acclimaté à la haute altitude. Les sherpas se sont donc servis de cette caractéristique pour devenir porteur et guide en montagne. Les deux autrices racontent leur vie, leurs conditions de travail. Elles parlent de leurs conjointe.s, de leurs enfants, des exploits qu'iels accomplissent, de leurs réussites professionnelles, des drames qui entourent leur vie...


Vallée du Langtang


Au départ, je voulais juste faire un post Instagram comme j'en ai l'habitude quand je finis un livre, et puis j'avais trop de choses à en dire pour me contenter d'Instagram. Je vais essayer de structurer ma pensée pour que ça ne parte pas dans tous les sens. 

Je vais tout d'abord essayer de parler de l'Everest et ensuite de revenir à une réflexion plus personnelle sur tout ça. 

Comme beaucoup de gens, l'Everest me fascine. J'ai déjà passé pas mal de temps à regarder des photos ou des vidéos de gens qui ont grimpé cette montagne. Dans les annexes du livre, il y a une chronologie de l'Everest, de sa "découverte" aux exploits les plus récents, entre les premiers hommes à l'avoir gravi officiellement en 1953, le premier népalais, le premier américain, la première femme à l'avoir fait, la première française, la première népalaise, la première personne aveugle, amputée des deux jambes, le plus jeune (13 ans!), le plus vieux, le plus rapide... Tout n'est que record et exploit ! J'ai du mal à comprendre ce besoin d'être le premier ou la première à faire ci ou ça, ce n'est pas dans ma personnalité, mais soit je veux bien l'entendre. Je comprends par contre la volonté de se surpasser, de s'étonner soi-même. Quand on arrive à faire quelque chose qu'on ne pensait pas pouvoir faire ou qu'on a galéré à faire, c'est exceptionnel comme sensation et très puissant en terme de confiance en soi. 

Si je comprends que pendant des années l'Everest a été le lieu de nombreux exploits, le lieu où de nombreux être humains ont repoussé leurs limites, aujourd'hui je m'interroge sur le sens qu'on donne à une ascension de l'Everest.

Ce n'est pas l'Everest, c'est la vallée du Langtang.


Aujourd'hui pour grimper sur l'Everest en tant que particulier, il te faut un permis, il te faut l'aide de compagnies commerciales étrangères ou népalaises. Tu ne montes pas tout seul, tu montes accompagné d'autres particuliers comme toi, mais aussi accompagnés, de guides et de sherpas et tout ça pour des sommes allant de 20 000 euros à 90 000 euros, voire plus selon le niveau de "confort" que tu veux te payer. 20 000 euros c'est quand tu choisis une compagnie népalaise qui n'est pas hyper regardante sur les règles de sécurité... Les expéditions commerciales en haut de l'Everest mobilisent des dizaines de personnes. En plus, il ne "suffit" pas de prendre une semaine de vacances pour aller grimper tranquillement sa montagne. On ne monte pas 8848 mètres du jour au lendemain, il faut du temps d'acclimatation sur des montagnes avoisinantes, dans les camps de base etc etc. Tout ça prend à peu près 2 mois. Qui peut prendre deux mois de vacances dans l'année pour faire ça ? 
Vous l'avez compris, aujourd'hui monter en haut de l'Everest est un loisir - un caprice ? - de privilégiés. 
Ça l'est d'autant plus que tu montes accompagné de sherpas, qui sont des hommes en général assez jeunes qui vont porter tes affaires pour que toi tu puisses monter tranquillement ta montagne. Sur l'Everest (et sur d'autres monts du même type), ils montent avant les clients chaque année pour placer des cordes tout le long du chemin afin de faciliter la montée aux clients. Traditionnellement, la saison pour monter l'Everest n'est officiellement ouverte que lorsque les sherpas ont ouvert la voie. C'est comme ça qu'en 2014, seize d'entre eux sont décédés à la suite d'une avalanche sur un glacier. Ils installaient les cordes pour le passage des clients. 

Franchement, est ce que ça vaut le coup ? Est ce que ça vaut le coup de risquer le vie de plusieurs personnes juste pour monter en haut d'une montagne qui a déjà été gravie par des dizaines de personnes avant ? Evidemment que c'est toujours un exploit d'arriver en haut de l'Everest, mais c'est un exploit qui est aujourd'hui strictement personnel. Un caprice de riche. 

Selon moi, on a atteint le summum du ridicule quand, en 2019, le Népal a délivré 380 permis pour monter en haut de l'Everest et que plus de 700 personnes se sont élancées vers le sommet quasiment en même temps (tu termines ta montée à 2 ou 3 personnes mais les personnes qui montent jusqu'aux camps de base sont plus nombreuses) provoquant un embouteillage au sommet de l'Everest et la mort de plusieurs personnes. La saison la plus propice pour monter l'Everest est le printemps, les montées se font d'avril en mai en général, c'est ce qui explique ces embouteillages ridicules.

Les embouteillages sur l'Everest en mai 2019.
Source

Il ne faut pas oublier de mentionner les dégâts écologiques que tout cela cause. Il y a régulièrement des missions pour nettoyer l'Everest des déchets laissés par les grimpeurs. On l'appelle parfois la plus haute poubelle du monde. En 2017, une ONG française y a ramassé 5,2 tonnes de déchets.

Enfin, la seule façon de se rendre sur l'Everest est de prendre un avion qui t'amène à la ville la plus proche dans la vallée (sans oublier les deux avions que tu dois prendre à l'aller et au retour pour aller au Népal). 

Bref, tout cela n'a aucun sens. 

Surtout qu'il y a 1000 autres choses à faire au Népal, des dizaines d'autres treks, certes moins difficiles physiquement mais qui ne mettent personne en danger.

Plus haute poubelle du monde.
Source

Une seule chose me pose quand même question : l'industrie du tourisme - et a fortiori l'industrie autour de l'Everest - permet à de nombreux népalais de vivre. Alors si demain ces expéditions en haut de l'Everest s'arrêtaient, que se passerait-il pour tous ces gens ? L'Everest rapporte énormément d'argent, que ce soit au gouvernement népalais, aux compagnies de treks qui organisent les expéditions commerciales et même aux guides, porteurs qui accompagnent les touristes en haut de l'Everest. Cette dernière affirmation reste à relativiser, parce qu'en fait si une expédition coûte au touriste environ 40 000 euros, le sherpa ne touchera qu'une petite somme sur ces 40 000 euros. Mais même s'il gagne "seulement" 1500 euros sur une saison, dans un pays où le salaire moyen est de 80 euros par mois, vous imaginez bien que 1500 euros c'est une somme considérable pour eux. C'est toute l'ambiguïté de ce type de pays. Même quand d'un point de vue occidental, on pourrait considérer que les gens sont sous-payés pour faire ce qu'ils font, pour eux ça représente des sommes énormes. 

Je le disais un peu dans mon article final sur le Népal. On a du se faire "arnaquer" sur les prix des dizaines de fois pendant notre voyage. Mais pour nous les sommes dépensées restent dérisoires alors que pour eux ça représente énormément d'argent. 

Mais en fait quand ça concerne l'Everest, la question est biaisée. C'est une question d'offres et de demandes. Si les gens demandaient autre chose comme treks et bien les agences ne proposeraient même pas de monter en haut de l'Everest. Si demain, les riches occidentaux que nous sommes, prenions conscience que monter en haut de l'Everest n'a pas de sens, et si nous décidions de faire d'autres treks au Népal, l'économie touristique se redirigerait vers ces autres treks. 

En tout cas, ce qui est certain c'est que les pratiques doivent changer. 



Mais ça m'amène à une autre question, à l'éternelle question, celle que je me posais avant de partir, que je me suis posée pendant notre voyage et que je me pose encore aujourd'hui : pourquoi aller au Népal ? Pourquoi faire ? Quel sens ça a ?

Certes, notre trek n'a mis personne en danger - même s'il y a du danger partout quand on pratique ce genre de loisir. On n'est pas monté à des altitudes extrêmes, on n'a pas eu besoin de faire de l'alpinisme, de bouteilles d'oxygène ou de cordes. A côté de la montée de l'Everest, notre trek est une promenade à la campagne. 
Pour rappel, nous sommes partis dans le Langtang pour un trek de 8 jours. J'en ai fait un blog l'année dernière. 

N'empêche que j'aurais beau me rassurer de 1000 façons en disant que "ce n'est pas la même chose que de monter l'Everest", ça reste un caprice de riches. Prendre deux avions pour voyager est un caprice de riche. Aller se promener dans des montagnes à une haute altitude est un caprice de riches. Je le disais déjà l'année dernière, il y a quelque chose de complètement absurde à aller se promener dans des montagnes qui sont dangereuses avec un attirail du parfait petit trekkeur occidental, quand pour les locaux il s'agit de leur vie quotidienne qui est rude et inconfortable. Dans le Langtang, les villages sont approvisionnés par des ânes qui montent avec des jeunes hommes, pas du tout équipés pour la montagne (souvent en tongs), et qui font l'aller-retour plusieurs fois par semaine. Et nous, on était là pour marcher, pour des vacances, pour voir le paysage, pour se dépasser. Il y a là une certaine indécence qui est difficile à assumer. 
Et encore une fois, sans les touristes occidentaux, il y a toute une partie de l'économie népalaise qui s'effondre. Mais est ce que ce n'est pas la même chose que l'Everest ? Est ce que ce n'est pas une fausse question ? N'y a-t-il pas là une forme de colonialisme à dire que sans nous, sans notre tourisme, les népalais (et d'autres pays dans le monde) ne pourraient pas survivre ? Sans le tourisme, ils feraient peut-être autre chose, tout simplement. Je n'ai pas la réponse à cette question.

Vallée du Langtang


Je me posais toutes ces questions déjà l'année dernière à notre retour de voyage. Je concluais en disant qu'on n'avait pas de droit au voyage, de droit à voir le monde, que le voyage - même s'il est fait de façon éthique - pose question. Désormais en confinement, ces questions prennent un autre sens. Beaucoup de gens ont parlé du livre "Chez soi" de Mona Chollet, que j'ai lu il y a plus d'un an et que j'avais beaucoup aimé. Dans une période où tout va vite, où on est habitué à voyager au bout du monde en quelques heures, que signifie rester chez soi ? Vaste sujet.

En tout cas, une chose est plus que jamais certaine : voyager est un privilège. On s'en rend d'autant plus compte en période de confinement, mais les chiffres parlent pour nous. Les touristes ne représentent que 3,5% de la population mondiale. Le tourisme rapporte environ 2 milliards de dollars par jour. Nous sommes des privilégiés. Ayons conscience de cette chance et n'en abusons pas.

Pour finir sur ce livre, parce que de base c'est de ça que je voulais parler. J'ai beaucoup aimé le style journalistique de ce livre. De plus, il est découpé en petits chapitres, ce qui rend la lecture très fluide et très agréable. Je me rends compte que j'aime les livres d'enquête journalistique. Dans le même genre et sur un tout autre sujet, j'avais adoré lire "Sans consentement" de Jon Krakauer.
J'ai donc été ravie de découvrir qu'il avait écrit un livre appelé Tragédie à l'Everest en français dont je vous mets le résumé wikipedia :
Jon Krakauer (journaliste pour le magazine d'aventure Outside) considère que l'ascension de l'Everest par Richard Bass (alpiniste amateur et homme d'affaires américain, âgé de 55 ans) le  a inauguré une nouvelle ère dans l'histoire de l'exploration en haute montagne : la commercialisation des expéditions. Un grand nombre de personnes à l'expérience limitée et en mal de sensations ou de records tentent l'aventure, avec des agences spécialisées mais au risque d'y perdre la vie.
L'auteur raconte plus particulièrement les événements qui l'ont conduit à participer à une expédition vers l'Everest en mai 1996, bien que lui-même ait abandonné l'alpinisme des années plus tôt. La saison 1996 a été particulièrement mortelle avec 8 morts en une journée, dont notamment les guides de Krakauer, Rob Hall et Andy Harris. Initialement, Krakauer devait stationner au camp de base pour faire un reportage sur la commercialisation des expéditions mais il proposa à son éditeur de décaler son départ d'une année afin de se préparer à atteindre le sommet.

Je vais donc m'empresser d'aller l'acheter à la sortie de ce confinement !

Parce que - et c'est sans doute encore plus vrai en ce moment - lire reste pour moi une façon de voyager et de m'évader (et tant pis si vous trouvez ça cliché).

Vallée du Langtang


Commentaires

  1. Je suis ici pour témoigner de la façon dont ce puissant lanceur de sorts appelé Dr Padman m'a aidé à réparer ma relation. J'ai eu le cœur brisé quand mon amant m'a dit qu'il n'était plus intéressé à m'épouser parce qu'une autre dame avait utilisé une magie noire sur lui. J'ai pleuré et sangloté tous les jours, jusqu'à ce que ça devienne si grave que j'ai contacté Internet pour obtenir de l'aide, c'est alors que j'ai lu une critique sur l'excellent travail du Dr Padman, puis je l'ai contacté pour obtenir de l'aide pour retrouver mon amour et ma vie. , il m'a aidé à lancer un puissant sortilège d'amour et à ma plus grande surprise après 24 heures passées à faire le sortilège d'amour, mon amant est revenu sur ses genoux en me suppliant de lui pardonner.Nous sommes maintenant mariés heureux et tous nos remerciements vont au Dr Padman Wonders pour son aide me sauver ma relation, vous pouvez contacter le Dr padman par e-mail padmanlovespell@yahoo.com ou info@padmanspell.com Webesit: http://padmanspell.com/ ou WhatsApp 19492293867

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