Bon. Bon.

Mon seul et unique article sur ce blog  (avec le bilan livres !). Celui que j'aime bien faire tous les ans. 

Faut dire que plus personne n'écrit sur des blogs. La mode maintenant c'est l'Instagram, les newsletters et les sites bien construits. Un blog c'est moche et has been. Mais j'ai décidé que je m'en fichais. 

L'an dernier, c'est le cœur un peu lourd que j'écrivais mon article bilan. L'année 2020 a vraiment été une année assez moche, avec peu de belles choses et peu de réjouissances. La fin de l'année 2020 a été particulièrement rude je trouve, avec cette sorte de semi confinement en novembre où on avait le droit de travailler mais pas de faire tout ce qui peut globalement nous rendre heureux dans la vie c'est à dire voir des gens (et aller dans les bars).

L'année 2021 aura été incontestablement bien plus joyeuse, en tout cas personnellement, parce que j'ai l'impression qu'autour de moi personne - ou presque - ne va vraiment bien. Et alors collectivement, j'ai l'impression qu'on fonce tous ensemble dans un énorme mur prêt à s'effondrer. Mon sentiment face à tout ça peut se résumer en deux choses : une envie de tout cramer régulièrement mais aussi une envie de se foutre dans une grotte le plus loin possible du reste du monde.

La réalité c'est qu'au quotidien je suis entre tout ça. L'actualité me fatigue, les médias m'épuisent mais j'y jette un œil de temps en temps, pour ne pas finir complètement ignare et hors de ce monde. Et dans un même temps, je me cloitre chez moi avec mes bouquins, mes lectures féministes, mes réflexions anticapitalistes, ça ne fait pas avancer le monde mais ça fait du bien à mon âme. 

Dieppe - Mars 2021


Parfois, mon entourage me dit que je fais ma part pour "sauver le monde" par le biais de mon métier. 

Rappelons le, je suis avocate et je fais du droit des étrangers. Si je vulgarise, mon métier consiste à aider les immigrés à obtenir des papiers ou la nationalité française. Dans les milieux dans lesquels j'évolue ( de gauche et "éduqué") on me dit que c'est formidable ce que je fais, que ça a du sens, que j'ai de la chance. J'exprimais déjà une forme de mal être par rapport à mon métier ici l'année dernière. Aujourd'hui à vrai dire, ça ne s'est pas vraiment amélioré, ça a peut-être même empiré. Et pourtant j'ai rejoint une super team d'avocats avec lesquels je bosse, qui sont des copains et des copines, avec qui on discute beaucoup de nos métiers, on rigole bien et c'est très chouette. Mais dans mon for intérieur, je crois que je le sais et qu'il est temps de l'assumer, ça ne va pas. 

Je fais partie de cette génération qui a voulu un métier avec du sens, qui a voulu un métier qui lui apporte quelque chose, parce qu'on nous a rabâché que le travail était le centre de nos vies et qu'il fallait choisir quelque chose qui nous plait. Certain.e.s sont avocats par intérêt pour le juridique, pour le droit, pour le contact avec les gens, par attrait intellectuel. Il y a mille raisons de devenir avocat.e. Moi je suis devenue avocate pour sauver les plus précaires, pour aider les migrants. C'est un combat politique, c'est un combat de gauche, très intéressant, qui a du sens et de la valeur. Mais j'ai de plus en plus la sensation que ce n'est pas compatible avec le métier d'avocat. En tout cas, pas tel que je le connais. Quand tu es avocat, tu es une profession libérale, tu es chef.fe d'entreprise, ton entreprise c'est toi et ton but c'est de gagner de l'argent, parce que tu dois payer ton loyer, manger et avoir quelques loisirs au passage si possible. Ton but n'est pas d'aider les gens, ton but c'est de gagner de l'argent. J'ai toujours dit que je ne souhaitais pas gagner énormément d'argent, je le pense plus que jamais. 

J'ai longtemps cherché une forme d'équilibre entre "aider les gens" "avoir un métier qui a du sens et qui m'intéresse" "ne pas passer mon temps à travailler" et "avoir un revenu correct". Parfois j'arrive un peu à l'avoir mais de manière globale, je ne suis pas satisfaite de mon quotidien.

Intellectuellement je m'ennuie. Le droit peut être passionnant mais les trois quarts du temps, disons le clairement ça m'emmerde. Parfois, de temps en temps, il y a quelque chose qui sort un peu du lot et je retrouve de la satisfaction à "faire du droit", mais c'est rare.
C'est rare parce que je n'ai pas envie de faire du droit. Pour certain.e.s le droit est une passion, ça n'a jamais été le cas pour moi. Je suis juste une meuf qui aime bien réfléchir et apprendre des trucs. Je pense que j'aurais pu m'épanouir dans à peu près n'importe quelle filière (hormis les sciences dures). 
C'est rare parce que je n'ai pas toujours le temps de bien faire les choses. Certains dossiers n'en valent clairement pas la peine, mais d'autres dossiers mériteraient que j'y passe beaucoup plus de temps. Mais je n'ai matériellement pas le temps d'y accorder autant de temps que je voudrais. Je dois gagner de l'argent quand je travaille et je ne peux pas me permettre de passer trop de temps sur certains dossiers. C'est triste mais c'est la réalité. Certain.e.s avocats le font sans doute, et tant mieux pour eux, mais je tiens à ma vie privée, j'aime avoir mes week-end pour profiter de mon mec, pour voir mes amis, lire des livres, aller au cinéma... La vie. Je n'ai pas suffisamment la passion du droit pour prendre plaisir à en faire en dehors des heures de travail "normales".

Bref j'ai fait ce métier pour aider les gens, pour mener - à mon échelle - un combat politique. Je crois que je me suis trompée. On ne fait pas un métier pour mener un combat politique. En tout cas, on ne fait pas ce métier là pour ça. Ou alors on y passe énormément de temps.

Est ce qu'on peut faire ce métier, aider les gens réellement, en travaillant 35h/semaine (dans l'idéal encore moins) et en gagnant sa vie correctement ? Je n'ai pas trouvé cet équilibre pour le moment.

Quant aux autres aspects de la profession, la plupart m'ennuie. Je n'aime pas le contact avec les clients. Je ne sais pas le faire et je n'ai pas envie de le faire. Je n'aime pas le téléphone, je n'aime pas qu'on m'appelle. Ca m'oppresse très vite. Et puis les clients sont le reflet de notre société - je l'exprimais déjà ici l'année dernière - les gens sont exigeants, ils veulent tout, tout de suite, que ça aille vite, ils veulent des réponses immédiates, ils pensent savoir mieux que toi en trois clics sur internet. C'est épuisant. 

Varengeville sur Mer - Mars 2021


De plus, on a affaire à un service public de la justice en ruine et délabré. C'est comme dans les hôpitaux, les écoles et de manière globale tous les services publics, les moyens ne sont pas mis pour que ça fonctionne correctement. C'est usant. 

Puis, disons les choses clairement, il y a aussi un mépris de l'institution judiciaire pour les avocats. On a très souvent l'impression d'être considérés comme des sous merdes, et de ne servir à rien. 

On va me dire que je suis libre d'organiser mon temps comme je veux et que ça n'a pas de prix. C'est en partie vrai. En partie seulement parce que je suis aussi contrainte par les juridictions qui décident des jours d'audience, je suis contrainte par les rendez-vous que je pose à mes clients. Je peux décider de ne rien foutre pendant une aprèm, une journée ou plus, c'est certain mais je vais devoir rattraper ce temps "perdu" un moment ou l'autre. La liberté est relative. C'est comme un restaurateur. Il est libre de fermer son resto un midi s'il a la flemme, sauf que derrière il en paiera sûrement les conséquences. 

C'est un travail avec d'énormes responsabilités sur de nombreux plans. Je suis épuisée par toutes ces responsabilités qui pèsent de plus en plus lourd sur mes épaules. Avoir un travail avec des responsabilités signifient souvent, dans notre société, qu'on a fait des études longues, qu'on a réussi, qu'on est bien payé, qu'on fait un travail intéressant. Des fois je me dis que je n'ai pas fait 7 ans d'étude pour avoir un travail avec peu de responsabilités et moyennement intéressant. Et puis de plus en plus je crois que je m'en fous. Est ce qu'avoir peu de responsabilités est forcément synonyme de boulot chiant ? Je n'en sais rien à vrai dire, mais je sais que je suis redescendue de ce truc d'avoir fait de longues études et donc de forcément devoir faire quelque chose qui soit "intéressant" et valorisé socialement.

Bref, je suis fatiguée d'être avocate. 

Etretat - Mars 2021

Si je m'entends plutôt bien avec les autres avocats qui exercent dans mon domaine, ce n'est plus suffisant pour compenser tout ça. 

A l'heure où j'écris ces lignes, nous sommes début janvier, je suis en congé maternité et je suis contente d'avoir une pause pour pouvoir réfléchir à tout ça. La pause n'est cependant que relative. 

D'une part parce qu'il est complètement utopique de penser une seule seconde que tu peux ne pas travailler pendant 4 mois quand tu es profession libérale. 

D'autre part, être en congé maternité n'est pas être en vacances (contrairement à ce que certains peuvent penser). Bien que l'enfant ne soit pas encore arrivé, je n'ai quand même pas l'impression d'être au top de ma vie en ce moment. Je me rends compte que je suis fatiguée par ma profession, que je voudrais en changer, mais que je voudrais qu'on me donne DU TEMPS, pour bien faire les choses. Je voudrais pouvoir me poser quelques mois (après le congé maternité) pour réfléchir à un autre métier, pour voir ce que je pourrais faire. C'est très compliqué de voir le bout du tunnel quand tu es dedans et que ta vie va à mille à l'heure. Le problème est que je n'ai aucun accès au chômage, aucun accès à une quelconque forme de formation qui ne serait pas payante et que de manière globale la société dans laquelle on vit n'incite pas réellement les gens à se poser pour savoir ce qu'ils veulent dans la vie. 

Alors j'ai des petits plans B dans ma tête, mais ce n'est sans doute pas le moment de prendre une décision, enceinte de 8 mois et en plein congé maternité. La naissance de l'enfant va sans doute bouleverser tout ça. 

Ce qu'il faut retenir - je crois - c'est que j'arrive à sortir progressivement de cette idée que mon travail doit avoir du sens, doit être en accord avec mes valeurs, doit être une passion, doit me satisfaire sur le plan intellectuel et doit contribuer à changer le monde. C'est comme une relation amoureuse, ça ne peut pas être parfait. Je me dis de plus en plus que je voudrais un travail qui ne soit pas complètement inintéressant mais que si je n'ai pas de grandes responsabilités ce n'est pas bien grave. Concernant les valeurs, faut pas déconner je ne vais pas devenir banquière non plus, mais je crois que je n'ai plus besoin que mon travail contribue à "sauver le monde". Je voudrais juste un travail qui me rapporte suffisamment d'argent pour vivre correctement et que je puisse - pourquoi pas - mener mes combats politiques en dehors de ce temps de travail. 

Biarritz - Juillet 2021

Voilà où j'en suis au niveau du travail. 

Le constat est un peu rude, mais j'ai toujours dit que de toutes façons je ne ferais pas le même métier toute ma vie. 

***

J'ai passé une grande partie de mon année 2021 enceinte. Je crois que ça a été l'année la plus saine de ma vie depuis environ 2004 (l'année de ma troisième, la dernière année sans boire une goutte d'alcool).

Ca a évidemment très fortement influencé mon année. 

Déjà revenons en arrière. J'écrivais ici l'année dernière que nous avions essayé de concevoir un enfant sans succès en 2020. C'est quelque chose qui m'a beaucoup remué.

En 2021, nous avons commencé un parcours de procréation médicalement assisté. Nous avons commencé par des inséminations artificielles. Je vous laisse aller vous renseigner pour savoir ce que c'est si ça vous intéresse, connaître les différences avec les fécondations in vitro etc. 

Non pas que je ne veuille pas en parler, mais ça mériterait de rentrer dans les détails et ce n'est pas le sujet de cet article. Mais je suis ouverte sur le sujet, je pense que ça ne doit plus être un tabou. Les problèmes de fertilité concernent de plus en plus de couple, il n'y a pas de honte à en parler.

C'est fou comme le cerveau humain oublie, parce que j'ai l'impression que c'était il y a longtemps et que je n'ai plus grand chose à en dire. Alors que c'est faux, j'ai mille choses à en dire. Mais mon protocole pour l'insémination était assez léger, je n'ai pas pris beaucoup d'hormones. Oui c'était contraignant mais nous avons eu de la chance, ça a fonctionné plutôt vite pour nous. Ca a occupé pas mal mes pensées pendant plusieurs mois mais je n'ai jamais eu de gros effets secondaires. 

J'ai continué à vivre ma vie normalement. Ce n'était pas agréable de devoir en passer par là, mais c'était comme ça.

Pas de surprise de la découverte d'une grossesse, adieu les jolies annonces comme dans les films (j'en avais fait mon deuil depuis longtemps). Quinze jours après l'insémination, bim test de grossesse positif. 

Et c'était parti pour 9 mois. 

Neuf mois de chamboulements physiques et psychiques. A l'heure où j'écris ces lignes, je suis censée accoucher dans quelques semaines / jours.

La chatoune d'amour.

Pour le premier trimestre, étrangement je dirais que le sentiment qui m'a le plus envahi c'est la colère. J'étais très contente que ça ait enfin fonctionné pour nous mais en colère contre la société et le reste du monde qui te dit en gros de te taire et de vivre ça seule dans ton coin. J'ai pris le parti de le dire très vite  à mes ami.e.s et à ma famille parce que de toutes façons ne pas boire d'alcool m'aurait grillé direct, et que pas mal de gens savaient aussi qu'on avait entamé une PMA. On le disait en mode : "on ne s'emballe pas parce que tout peut encore arriver mais je suis enceinte". Heureusement que j'évolue dans un monde "éduqué" et bienveillant. Partout autour de moi je voyais des injonctions à ne surtout rien dire "au cas où". Mais au cas où quoi ? Après la découverte du tabou de la PMA, j'ai découvert le tabou de la fausse couche. Tu es censée vivre ça solo dans ton coin avec ton mec, sans en parler à personne. La blague. Moi je me suis dit très vite que si on devait vivre une fausse couche, je préférais pouvoir avoir mes ami.e.s au courant pour pouvoir en parler. Les fausses couches concernant une grossesse sur cinq, il n'y a pas de raison que ce soit plus tabou qu'autre chose. Mais ça fait partie d'un tabou de manière plus générale qui concerne le corps de la femme. On ne parle pas de nos règles, de nos maladies gynécologiques, de contraception, de fausse couche. Le corps des femmes doit juste être beau et fonctionnel pour la société et le regard des hommes hétéro, le reste ne concerne pas la société. 

Au-delà même du tabou de la fausse couche, pour ce premier trimestre tu es invisible, tu n'existes pas. Parce que plane au-dessus de toi la menace que cette grossesse s'arrête à tout moment, non seulement tu n'es pas censée dire que tu es enceinte mais en plus tu n'es pas censée parler de tout ce qu'il y a autour.

A l'instant où j'ai vu les deux barres s'afficher sur ce fameux test de grossesse, j'ai eu la sensation que ma vie avait changé et allait changer. Les bouleversements ont commencé à ce moment-là. Certes physiquement ton ventre ne bouge pas, mais dans ta tête c'est le grand chamboulement. Et ça pareil, tu ne dois pas en parler. C'est quand même quelque chose qui potentiellement peut modifier ta vie à tout jamais mais tu ne dois rien dire. 

Les symptômes parlons en, perso j'ai eu des nausées et des vomissements pendant 3 mois, qui se sont accompagnés de fatigue. J'étais supposée vivre ça toute seule dans mon coin ? Etant libérale je n'avais de compte à rendre à personne, mais si j'avais été salariée, j'aurais du me cacher dans les toilettes pour faire une sieste et aller vomir comme le font certaines femmes ?

Puis tu es contente mais tu as aussi peur de mille trucs, tu as peur de faire une fausse couche, tu as peur de ce qui va se passer pendant 9 mois, tu prends conscience que ta vie va potentiellement changer, tu te dis que tu vas devoir accoucher etc, bref dans ta tête ça va à mille à l'heure. Plein de sentiments et d'émotions se mélangent, et t'es censée vivre ça seule dans ton coin.

Bref la colère. Lire le livre de Judith Aquien "Trois Mois Sous Silence" m'a fait beaucoup de bien. Elle a posé des mots sur tout ça et ça m'a permis de me sentir bien moins seule. 


Niort - Juillet 2021

Et vient le deuxième trimestre. En fait je dis que j'ai été en colère au premier trimestre, mais je l'ai été aussi au second trimestre. Je crois que je suis une meuf qui est facilement en colère en fait. Hallelujah, je n'ai plus eu de nausées ni de vomissements, et ça a été pile pendant la période où nous sommes partis en vacances. Timing parfait ! J'ai eu l'impression de revivre. Bon je ne pouvais toujours pas boire de vin mais ça m'a permis de crapahuter à peu près partout où je le voulais et de remanger comme je le voulais. On n'a quand même pas fait de rando cette année et ça m'a beaucoup manqué. Découvrir une région en voiture, ce n'est quand même pas la même chose. Marcher m'a manqué. 

Alors pourquoi la colère ? Qu'est ce que j'ai le plus entendu pendant ce semestre ? "Oh bah dis donc en tout cas ça ne se voit pas". Je me suis toujours demandée et je me demande encore ce que les gens attendent que je leur réponde. Leur faire un petit cours pour leur expliquer comment fonctionne le corps des femmes ? Pour un premier et à 5 mois de grossesse c'est pas déconnant que tu ne vois rien en fait Michel. Puis en fait, si j'avais pris 10 kilos en trois mois et que j'étais rapidement devenue grosse tu m'aurais dit quoi ? 

C'est perturbant parce que moi j'en ai vu des changements physiques. C'était pas flagrant, ça ne se voyait pas de l'extérieur, mais j'ai vu mon corps changer petit à petit. C'est assez perturbant quand ton corps n'a pas changé - ou presque - en 32 ans et que d'un coup tu aperçois des modifications. Alors en plus quand la terre entière se permet de te dire que non tu ne changes pas et bien ce n'est pas très agréable. De manière globale, commenter le corps des femmes (ou des hommes d'ailleurs) n'est jamais une bonne idée. Vous ne savez pas ce qu'il y a derrière, ni ce qu'il se passe dans la tête des gens.

En fait, j'ai l'impression que tu commences tout juste à exister socialement en tant que femme enceinte quand ça commence à bien se voir c'est à dire à partir de 6-7 mois de grossesse. Pendant 9 mois j'ai lu quasi toutes les semaines les mini articles que font les applis ou certains sites pour savoir où en était le développement de l'enfant, c'est assez rigolo à lire. Systématiquement, ces articles sont illustrés par des femmes avec des ventres bien ronds quels que soient le stade la grossesse. Je me suis dit que peut-être si on arrêtait de montrer toujours cette image là de la femme enceinte, peut-être que tout ça changerait un peu. Une femme enceinte de 10 semaines au ventre plat est aussi une femme enceinte. 

De manière globale, la société toute entière est obsédée par le corps des femmes de toutes façons. Le corps des femmes est politique et public. Je l'ai ressenti puissance mille en étant enceinte. 

C'est comme les injonctions sur le poids. Je n'ai pas pris énormément de poids pendant ma grossesse. Je n'ai pas fait de diabète, je n'ai pas eu l'envie de plus ou de moins manger... Au premier trimestre, j'étais écœurée par mille trucs donc j'ai sans doute peu mangé. Bref, quand les gens me voient et quand certains osent me demander mon point, derrière je reçois quasiment tout le temps des félicitations. Mais c'est quoi votre problème ? Me féliciter de quoi ? Si j'avais pris 25 kilos j'aurais été moins respectable ? 

On ne le dira jamais assez. Laissez les femmes et leur corps tranquille. Et pas juste quand elles sont enceintes. Tout le temps. 


La Rochelle - Juillet 2021



On en arrive au troisième trimestre. Rien de particulier à en dire, si ce n'est que je suis comme toutes les meufs enceintes du monde : j'en ai un peu marre, je me sens lourde et fatiguée et que j'ai hâte de voir sa tête. 

Je ne sais pas ce que l'avenir me réserve. Je ne sais pas si un jour je vivrais une deuxième grossesse. Je ne fais définitivement pas partie de ces meufs qui adorent être enceinte mais je ne déteste pas non plus être enceinte. Par contre je crois que je suis contente d'avoir vécu cette grossesse. C'est une expérience complètement dingue et unique. Ce que je trouve toujours fascinant c'est qu'on a beau envoyer des gens dans l'espace, avoir des technologies ultra sophistiquées, être à la pointe en matière de techniques de procréation médicalement assisté, il y a toujours des choses que la science et la médecine ne comprennent pas en terme de "création de la vie". 

Je ne vais pas me mettre à philosopher sur la vie, ce n'est pas le sujet, mais la grossesse est un moment vraiment particulier, ça met pas mal de choses en perspective et ça chamboule à peu près tout. 

***

En 2020, un ami très proche est mort. En 2021, je n'ai perdu aucun proche et je ne sais pas qui je dois remercier mais l'année a, de fait, été plus légère. Mon ami est très régulièrement dans mes pensées. Je continue parfois de ne pas y croire. Je continue de ne pas comprendre réellement ce qu'il s'est passé. Mais j'ai appris à vivre avec. 

C'est sans doute très convenu ce que je vais raconter, mais ça m'a réellement fait prendre conscience que la vie pouvait s'arrêter du jour au lendemain. Je pense que pendant longtemps, et à moins de vivre ce genre de drame très jeune, tu ne t'en rends pas réellement compte. L'adolescence surtout est une période dorée pour ça, la mort est loin, tu te sens invincible. La mort de mon ami ça a été comme un gros uppercut de rappel, que tout peut s'arrêter en une fraction de seconde. 

Ca n'a pas changé ma façon de vivre, ni quoi que ce soit dans mon quotidien. Je n'ai jamais réellement compris cette notion de "profiter de la vie". Pour moi on essaie tous surtout de se dépatouiller avec la vie, avec son lot de petites et grandes joies, de petites et grandes peines, on essaie de ne pas sombrer et chacun.e fait comme il peut. 


Saint Jean de Luz - Juillet 2021



Cette prise de conscience - que la mort pouvait surgir comme ça du jour au lendemain - n'a rien changé dans ma vie mais je crois que j'ai encore plus peur pour mon entourage maintenant. J'ai conscience que si c'est arrivé à lui, ça peut arriver à n'importe qui. Parfois ça m'angoisse fort, mais je n'ai pas le choix que de vivre avec. 

J'ai toujours eu un rapport très compliqué à la mort, ce qui m'a valu pas mal de thérapies. Aujourd'hui après avoir beaucoup travaillé sur tout ça, je suis plus apaisée, mais la mort de mon ami ainsi que la grossesse font que le rapport à la vie et à la mort est nécessairement chamboulé. Comme si j'avais une conscience accrue de la vie et de la mort, sans pour autant que ce soit envahissant au quotidien comme ça a pu l'être par le passé. 

Ca doit être ça aussi un peu devenir adulte.

***

Et puis en vrac. 

Il n'y a pas longtemps, ma plus vieille amie s'est mariée. J'ai été tellement heureuse de partager ce moment avec elle, son mari et tous les copains. Ca a permis de clôturer l'année en beauté. 

On a déménagé dans un appartement très lumineux qu'on aime beaucoup. On a un JARDIN. 

Après deux ans de thérapie avec une super psy, on a fini le travail ensemble. Bon j'y reviendrais peut-être un jour parce qu'en vrai on pourrait toute notre vie être en thérapie, mais je suis quand même fière de moi. 

Je n'ai jamais eu le covid, ni été cas contact. Oui je sais, je fais partie de l'élite.


Piriac sur Mer - Août 2021


Mon compagnon a réussi une première étape dans ses études. 

Mine de rien, on a fait plein de week-end et de voyages cette année : Dieppe, Etretat, la baie de Somme, la région parisienne chez mon beau-père de nombreuses fois, le Pays-Basque, la Loire Atlantique, un petit bout de Bretagne, Bayeux, Vaux le Vicomte... Franchement pour une année covid enceinte, c'est pas mal du tout. (Ce sont ces photos de vacances qui parsèment cet article.)


***


Je suis sûre que j'oublie plein de choses, mais on va tenter de se souhaiter une année 2022 la plus douce possible. J'espère qu'on trouvera nos marques le plus rapidement possible avec l'enfant à naître. J'espère qu'il sera en bonne santé. J'espère que mes proches continueront à être en bonne santé également (2021 nous a offert quelques belles frayeurs de ce point de vue là aussi). 

Bref, des trucs assez basiques. Comme tout le monde je suis un peu angoissée quand je pense à l'avenir. 

Mais plus que jamais, je souhaite qu'on sorte les fourches, qu'on crame tout, que ce soit la fin du capitalisme, du patriarcat et l'avènement d'une société égalitaire et écolo. ( Comment ça vous vous y attendiez pas à cette conclusion ? Comment ça j'en demande trop ? )


En haut de la Rhune - Juillet 2021




Commentaires

  1. Bonjour, je tombe sur votre blog un peu par hasard, je me suis beaucoup reconnue dans la première partie et la fatigue engendrée par notre métier. Avocate aussi, militante (je défends les salariés), je partage les mêmes constats et la même usure... je vais suivre avec attention votre réflexion sur votre éventuelle reconversion; bonne année 2023 !

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