Deux, trois, quatre mois, neuf mois... de parentalité !


Petites précisions de début d'article. Parce que c'est très important de situer d'où l'on parle. C'est très hétéronormé et peu inclusif comme article. Je parle essentiellement de ma réalité à moi qui est d'évoluer dans un couple hétérosexuel avec un homme cisgenre et une femme cisgenre. Autre truc très important : mon bébé est un bébé "cool" globalement. Il n'a pas eu de problèmes majeurs et globalement il "fait ses nuits" depuis qu'il a deux mois et demi à peu près. C'est important de le dire parce que je pense que ça influence beaucoup ta vision de la parentalité.


[A la base cet article devait s'appeler "deux mois de parentalité" et puis en fait à l'heure où j'écris ces lignes, l'enfant va bientôt avoir 4 mois...] 

[Je devais publier cet article autour des 4 mois de l'enfant et puis finalement il va en avoir 9. Je laisse ce que j'avais écrit tel quel, pour me souvenir de tout ça et je rajoute quelques réflexions à la fin.]

J'avais envie de faire un petit article avec toutes mes réflexions au sujet du fait de devenir parent, du haut de mes deux mois d'expérience. Certaines pensées sont plus ou moins construites, tout n'est pas abouti mais j'avais envie de tout compiler par ici.

Extrait du livre "Mamas" de Lili Sohn


L'accouchement

Non je ne vais pas vous raconter mon accouchement ici, je ne me suis pas encore transformée en maman influenceuse (oui ça existe).

J'ai lu et écouté pas mal de choses, avant et pendant ma grossesse sur l'accouchement et la maternité. J'ai toujours été un peu étonnée du concept de "projet de naissance". Il s'agit de femmes qui écrivent et disent au personnel médical qu'elles souhaiteraient par exemple qu'il n'y ait pas de toucher vaginal trop souvent, qu'il n'y ait pas de déclenchement, qu'il n'y ait pas d'utilisation d'instruments... Souvent ça va de pair avec ce qu'on appelle un accouchement physiologique c'est à dire sans péridurale et le plus naturel possible. Pourquoi pas, après tout dans d'autres pays du monde c'est la péridurale qui est l'exception. Tout est possible. 

Mais le principe même d'un accouchement c'est qu'on ne sait pas à l'avance comment ça va se passer. On peut souhaiter des choses évidemment, on peut espérer que ça se passe comme ci ou comme ça, mais tu ne sais pas si ton bébé se présentera dans la bonne position pour descendre dans ton bassin, tu ne sais pas quel sera ton seuil de résistance à la douleur, tu ne sais pas combien de temps ça va durer etc. Mettre des attentes, parfois très hautes, sur un événement où clairement tu ne maitrises pas toutes les données, ça me paraît un peu fou. Et l'idée que tu vas maitriser les données parce que c'est ton corps, j'y crois moyen. Tu peux anticiper des choses, tu peux te préparer au maximum à la gestion de tout ça, il existe 12000 sortes de préparation à l'accouchement différentes, mais il y a toujours une grosse part d'imprévu. Il faut accepter que tu ne maitrises pas ce qu'il va se passer, du moins pas entièrement. 

(C'est comme cette soignante lors de la préparation à l'accouchement qui nous a demandé quel type de parent on pensait être. La question m'a paru saugrenue. La seule réponse que j'ai su donner c'est qu'on s'adapterait à lui en réalité. Je n'ai pas d'attentes quant à ce bébé. J'y reviendrais plus bas.)

Un projet de naissance d'accord mais en fait je pense qu'il faut surtout être prête à toutes les éventualités et ne pas être déçue quand ça ne se passe pas exactement comme on l'aurait souhaité. Parce que j'ai vu beaucoup de femmes dire qu'elles étaient déçues d'elle même. Ca me laisse toujours un peu perplexe. J'ai l'impression que dès l'accouchement elles se mettent une forme de pression à accoucher de telle ou telle façon et qu'elles sont déçues de ne pas y "être arrivée". Depuis quand l'accouchement est une performance ? 

Je me mets la pression pour beaucoup de choses dans la vie mais alors pour mon accouchement pas du tout. D'autant plus que je suis une anxieuse et que les anxieux se rassurent en essayant de tout contrôler et tout anticiper. Mais là j'ai su complètement lâcher prise et accepter cette (grosse) part d'aléatoire. J'ai  confiance dans le personnel soignant. C'est sans doute parce que j'ai tendance à avoir très vite peur de tout un tas de maladies et voir des médecins et avoir des avis médicaux me rassure (mais paradoxalement je déteste prendre des médicaments, allez comprendre...) C'est sans doute également parce que je suis fille de sage-femme et que cet univers (l'accouchement tout ça) ne m'est pas du tout inconnu (à 12 ans je savais ce que c'était une épisiotomie par exemple). J'ai plutôt tendance à penser - sans doute à tort - que s'ils font quelque chose c'est que c'est pour le bien du bébé et pour mon bien être. Je ne suis pas naïve, je sais aussi que parfois ils font des choses parce que ça les arrange eux, mais je mets plutôt ça sur le compte du fait qu'ils sont débordés et qu'ils font eux aussi comme ils peuvent. Je suis pas mal de comptes de sage-femme sur Instagram et elles disent toutes la même chose : elles adorent accoucher les femmes, travailler en maternité, mais les conditions dans lesquelles elles font leur travail ne les satisfont pas du tout, elles ne sont pas assez nombreuses pour effectuer un suivi qualitatif des femmes en maternité et elles sont les premières à déplorer cela. 

Un projet de naissance oui pourquoi pas, mais moi j'ai été partisane de "je n'attends rien de cet accouchement, si ce n'est que le bébé et moi soyons en bonne santé" et vous savez quoi ? Je n'ai pas eu un accouchement de rêve, loin de là, mais je n'ai pas été déçue de quoi que ce soit. Quand on n'attend rien de particulier, on ne peut pas être déçue. Et je crois que si je devais avoir d'autres enfants un jour, je referais tout pareil. 


Extrait du livre "Mamas" de Lili Sohn


Les vagues 

Non je ne vais pas vous parler des contractions pendant l'accouchement. (Certaines femmes appellent ça des vagues, il parait que ça aide à les supporter de démédicaliser le terme.)

Je voudrais vous parler de ces espèces de vagues qui t'arrivent dans la gueule dans les jours qui suivent l'accouchement. 

Pas mal de nanas décrivent le coup de foudre qu'elles ont eu au moment de la naissance de leur enfant quand elles l'ont eu dans les bras pour la première fois. 

D'autres disent qu'elles n'ont pas ressenti grand chose mais qu'elles ont appris à aimer leur enfant au fur et à mesure. 

Je me situe quelque part entre tout ça et je crois que pas mal de nanas ressentent la même chose. Toutes les femmes ne ressentent pas une vague d'amour extraordinaire dès qu'elles voient leur enfant. Disons les choses clairement, quand ton bébé sort, c'est souvent après un long travail, tu es fatiguée et en réalité tu es juste contente que ton enfant soit enfin sorti. Moi j'étais contente que l'accouchement soit terminé, de ne plus être enceinte, contente de le rencontrer enfin après 9 mois (2 ans ?) à l'imaginer, mais je n'ai pas eu de "coup de foudre". C'est le lendemain et les jours d'après que ça m'est arrivé. J'ai senti monter quelque chose en moi, c'est comme une énorme vague d'amour qui m'a submergé. Et ce qu'on ne dit pas, c'est que cette énorme vague arrive avec le package angoisse. L'angoisse qui te tord le bide à l'idée même que tu pourrais perdre ce petit être. C'est quelque chose de viscéral, qui te prend aux tripes, qui te secoue. Et tu te retrouves à chialer juste en le regardant. Parce que au delà même de la perdre, tu voudrais réussir à le protéger du monde extérieur et de tout ce qui est moche autour de nous, mais tu sais très bien que tu ne pourras pas et que ce n'est pas souhaitable. Toute l'histoire de la parentalité c'est de mener un tout petit être fragile dépendant de toi vers l'autonomie. Et tu prends conscience à ce moment-là que maintenant c'est foutu, toute ta vie tu auras peur pour lui, quoi qu'il fasse, que ce soit traverser la rue pour aller chercher le pain ou sauter en parachute. Tout le challenge va être d'avoir cette peur au fond de l'estomac mais ne pas lui transmettre. Savoir lui expliquer les dangers de telle ou telle situation, sans pour autant qu'il ait peur de tout, tout le temps. Savoir faire taire la vague de l'angoisse et miser à fond sur la vague de l'amour pour lui donner une pleine et entière confiance en lui. 

Extrait du livre "Mamas" de Lili Sohn

Suivre son instinct et se faire confiance

Avant de mettre mon enfant au monde, je n'étais pas vraiment une meuf maternelle, spécialement attirée par les bébés ou particulièrement à l'aise. J'avais tendance à les trouver mignon et à être un peu gaga devant certain.e.s mais ça s'arrêtait là. Une fois enceinte je me suis demandée comme je serais avec le mien. Et en réalité, tout ça se passe de manière assez naturelle et instinctive. C'est fou. Loin de moi l'idée d'un instinct maternel (bullshit) qui me guiderait instinctivement vers ce qu'il serait bon pour lui. Je ne me sens pas plus compétente que son père par exemple. Je ne sais pas mieux que lui ce qu'il faut faire ou pas avec cet enfant. Mais on fait au mieux, et c'est déjà énorme je pense. On apprend tous ensemble, et tout ça me parait assez naturel.

Et je reviens sur cette histoire de soignante qui nous a demandé quel parent nous pensions être. Je ne pensais rien. Evidemment on avait des souhaits. Je ne voulais pas allaiter. On voulait faire du portage en écharpe. On voulait qu'il dorme à côté de nous dans la chambre. Mais s'il était né prématuré et qu'allaiter était la meilleure chose à faire pour lui, je l'aurais évidemment fait. S'il n'avait pas aimé le portage, on ne l'aurait pas forcé à être en écharpe coute que coute. Nous faisons juste ce qui nous paraît être du bon sens. On tente des trucs, si ça lui plait et/ou que ça fonctionne et bien on continue. C'est nous qui nous adaptons à lui et non l'inverse. 

Ce "naturel" n'empêche pas les moments de panique et de stress. Il faut aussi le dire parce que c'est ce que je ressens parfois. Le problème c'est que s'occuper d'un enfant, ça suppose de savoir décoder ce qu'il veut (je rappelle qu'il ne parle pas) et derrière savoir se faire confiance. Alors il y a des choses assez évidentes, tu apprends vite à décoder les pleurs de faim par exemple. Mais parfois tu te sens vraiment démunie. Et quand, de base, tu n'a pas une énorme confiance en toi, tu peux vite te mettre à douter de toi, de ce que tu fais et à paniquer. D'autant plus que je suis une meuf qui se rassure avec la routine, les mêmes gestes tous les jours, les rituels etc (la faute à l'anxiété tout ça) (oui je suis sans doute très ennuyante parfois) et - au début du moins - un bébé n'a absolument aucun rythme. Ca peut vitre être déstabilisant. Et pire encore, quand il commence à avoir un rythme et qu'un petit caillou vient se mettre dans tout ça, que ça part un peu (ou beaucoup) en vrille, je peux vite être déstabilisée. 

Mais j'apprends. Ca va mieux qu'au début. J'essaie de m'écouter, de me faire confiance, de l'écouter lui. J'ai souvent en tête cette phrase du pédiatre en sortie de maternité qui m'a dit de me faire confiance et de jamais douter de moi en tant que mère. 

Extrait du livre "Mamas" de Lili Sohn


Personne ne sait rien

S'il y a bien une chose que j'ai retenu de tout ça, c'est qu'en réalité on ne sait pas grand chose des bébés, que ce soit les autres parents ou même les professionnels. Alors certes les autres parents et les professionnels peuvent te donner des conseils précieux dans certaines situations, mais j'ai franchement l'impression que chacun.e se démmerde comme il peut. Il n'y a aucune "leçon" à tirer de quoi que ce soit, de qui que ce soit. Ce qui fonctionne avec un bébé ne fonctionnera pas avec un autre, ce qui peut marcher à l'instant T avec ton bébé ne machera plus une heure après. Une copine me disait qu'elle trouvait ça hallucinant qu'on ait juste les trois jours à la maternité et qu'après on soit lancé dans le grand bain sans accompagnement. Il y a un petit accompagnement avec la sage-femme qui passe chez toi, puis les visites chez le médecin pour le bébé dans le premier mois. Mais c'est vrai que globalement tu te retrouves à deux (les mères célibataires ? mes héroïnes! J'y reviendrai.) à devoir gérer ce petit être et tu peux très vite te sentir dépassé, déstabilisé et paniquer. 

Il faudrait, c'est certain, plus d'accompagnement, mais en même temps j'imagine mal la forme que peut prendre cet accompagnement. Un accompagnement avant la naissance ne servirait pas à grand chose, selon moi, parce que tu ne peux pas prévoir ce qu'il va se passer après la naissance, et surtout parce que c'est un tsunami qui t'arrive dans la tronche après la naissance et qu'en fait rien de ce que tu apprendras avant ne pourra te préparer correctement à ça. Un accompagnement après la naissance supposerait que quelqu'un vienne t'aider chez toi et te dire comment faire certaines choses. Le problème c'est qu'il ne faudrait pas que ce soit trop intrusif. Et encore une fois, j'ai vraiment l'impression que personne ne sait rien en réalité (les professionnels nous mentent ! (je plaisante)) et que chacun.e se débrouille en fonction de l'enfant qu'il a en face de lui. Du haut de mon petit recul de 4 mois, si je devais revenir en arrière, je me dis parfois qu'il y a peut-être des petites choses que je referais différemment, et puis quand j'y réfléchis vraiment je me dis qu'en fait je referais tout de la même façon. Nous sommes tous des parents imparfaits, on fait sans doute des erreurs, tant que ton enfant va plutôt bien, qu'il grandit et se développe normalement, c'est que tu es le meilleur parent pour lui, non ? 

Je vais terminer par un truc sans doute très niais mais j'ai quand même bien l'impression que ce qui importe le plus à l'enfant du haut de ses presque 4 mois, c'est qu'on prenne soin de lui, qu'on le sécurise, qu'on l'entoure d'amour, qu'on le prenne dans nos bras. C'est sans doute le seul moment de nos vies où on peut se contenter de vivre d'amour et de biberons de lait, et en être parfaitement heureux. 

Extrait du livre "Mamas" de Lili Sohn


Etre deux pour préserver sa santé mentale

Je pense que si mon compagnon m'avait laissé seule avec cet enfant à la maternité toutes les nuits ou s'il avait du reprendre le travail à peine quelques jours après la naissance de cet enfant, je l'aurais très très mal vécu. Je me serais sentie très vite dépassée et paniquée. Je pense très sincèrement que ce qu'on appelle baby blues ou dépression du post-partum pour les cas plus graves, premièrement sont largement minimisées et sous estimées par la société, deuxièmement sont en partie le fruit de cet "abandon" des mères avec leur bébé. 

Abandon par la société qui considère que c'est à la mère de s'occuper de son enfant. En donnant un congé maternité de 16 semaines à la mère et de seulement 25 jours au père, ça ne veut rien dire d'autre que "c'est à toi femme de s'occuper de ce bébé". Alors certes il faut se remettre de l'accouchement, certes tu as un lien particulier avec ce bébé parce que tu l'as porté pendant 9 mois mais ce ne sont absolument pas des excuses valables pour qu'il y ait un tel écart. Mais en vérité, je ne sais pas quelle est la "bonne durée" du congé parental. Pour la mère, du moins pour la personne qui accouche, oui il faut un temps pour se remettre de l'accouchement mais c'est propre à chaque femme en fonction de son accouchement, de son corps etc. Par la suite, il n'y a absolument aucune raison pour que la mère ait plus de "congé" pour s'occuper du bébé que le père. 

Je ne sais pas si un congé attribué d'abord à la mère puis au père est une bonne idée, parce qu'au début tu as besoin d'être deux pour t'en occuper si tu veux - selon moi - préserver ta santé mentale. Je ne sais pas non plus si "forcer" les pères à prendre un congé paternité long est une bonne chose, ça les oblige à s'occuper du bébé et à se rendre compte du boulot que c'est, mais en pratique certaines pères qui ont leur 25 jours de congé paternité en profitent pour jouer à la playstation pendant que la mère gère le bébé et toute l'intendance de la maison... Je ne sais pas s'il y a une durée idéale, je pense que c'est à chaque famille de faire en fonction de ses besoins et de ses envies, mais en même temps j'ai bien conscience que c'est très facile de dire ça pour moi qui suis dans un couple où nous sommes parfaitement à égalité dans les soins et l'attention que nous portons à cet enfant. J'ai bien conscience d'être ultra privilégiée. 

Me retrouver seule avec un nourrisson de quelques jours, quelques semaines, m'angoissait beaucoup. Heureusement, mon compagnon a pu être fort présent. Etre deux ça permet de se relayer, de faire des siestes, de dormir plusieurs heures d'affilé, de faire des repas correctes à des heures normales, de vivre dans une maison à peu près rangée et de ne pas sacrifier sa santé mentale. 

Je n'ai pas allaité aussi. Quitte à en faire hurler certaines, ça a été la meilleure décision de ma vie. Je ne suis pas bête, je sais que le lait maternel est sans doute ce qu'il y a de mieux pour un bébé. Comment ça tu ne veux pas ce qu'il y a de mieux pour ton enfant ? On se calme. Je veux ce qu'il y a de mieux pour lui mais aussi pour moi et pour nous. Ne pas allaiter m'a permis de faire très vite des siestes et des nuits correctes et m'a permis de tout partager avec le père. En gros ça m'a permis de préserver ma santé mentale. Et je pense très sincèrement que ce qu'il y a de mieux pour cet enfant c'est avant tout une mère bien dans ses pompes. 

Je ne sais pas comment j'aurais fait sans mon compagnon. Sans déconner, comment font les mères célibataires, ou celle en couple dont le mec n'en fout pas une (cf le type qui joue à la playstation au dessus) ? Je sais qu'il n'y a pas de réponse. Elles font c'est tout. Elles n'ont pas le choix. Combien vont mal ou font même des dépressions, sans que ce soit diagnostiqué ? Ca ne changera pas les choses, mais ça fait du bien de le dire, les mères célibataires sont mes héroïnes. 

Après mon accouchement, je me suis vraiment rendue compte que les femmes portaient le monde.

[Fin de l'article initial.]

En réalité, la dernière partie n'était pas terminée je pense, mais je la laisse comme ça. Les femmes portent le monde depuis toujours, c'est certain. Le travail de s'occuper d'un enfant et d'un foyer leur est dévolu depuis des milliers d'années, sans que ce soit valorisé une seule seconde. Et pourtant quel travail ! Au cours de ces 9 mois, j'ai eu l'occasion de m'occuper de lui seule, de rester seule avec lui toute la journée et je l'aime de tout mon cœur, je chéris ces moments de tête à tête avec lui, mais je suis aussi très contente quand son père est avec nous ou quand il va à la crèche. S'occuper d'un enfant toute la journée est un travail fatigant, aliénant, épuisant. J'ai souvent une pensée pour toutes les nanas qui sont assistante maternelle ou qui bossent en crèche et dont le travail n'est absolument pas valorisé, comme tous les emplois qui consistent à s'occuper des autres et qui sont (ô surprise!) essentiellement exercés par des femmes. 

Extrait du livre "Mamas" de Lili Sohn


Le tunnel des trois premiers mois

J'ai un peu de tendresse de me relire aujourd'hui je l'avoue. De la tendresse pour la personne que j'étais à ce moment-là, au tout début, quand ce n'était qu'un tout petit bébé fragile. Non pas que maintenant il soit grand, mais disons qu'il a presque 9 mois et qu'il y a beaucoup de choses qui me paraissent plus faciles maintenant. Quand je repense à ces 9 mois qui viennent de s'écouler, je me dis que le plus difficile c'était vraiment les 3 premiers mois. Je l'appelle "le tunnel des premiers mois". C'est la période du congé maternité, la période où ton bébé a besoin de toi, d'être collé à toi et où tu n'existes quasiment qu'en tant que mère. La période la plus aliénante, où tu ne dors pas beaucoup et où tu es entièrement dévouée à ton enfant. 

Quand je repense aux trois premiers mois de mon enfant, c'est une période que je n'ai pas trop aimé je crois. C'est une période angoissante, déstabilisante, de solitude. Globalement, je suis très contente de le voir grandir, "s'autonomiser", avoir de plus en plus d'interactions avec lui et que cette période soit passée. Evidemment quand je regarde les photos de lui petit bébé, je suis pleine d'émotions et de nostalgie, mais je suis quand même bien contente que cette période soit finie. Et pourtant nous avons un "bébé cool" qui n'a pas eu de problème majeur et qui a vite fait ses nuits. Je n'imagine même pas quand ce n'est pas le cas.

Reprendre le boulot a été une vraie bénédiction (et pourtant on sait comme je suis critique envers le travail).  Ce qui m'a fait du bien, c'est de discuter avec des adultes, de réfléchir de nouveau à autre chose que "à quelle heure a-t-il pris son dernier biberon ?". Aujourd'hui, je parviens à trouver un équilibre entre ma vie perso et ma vie pro, souvent au prix de sacrifices professionnelles, mais j'y trouve mon compte comme ça. Je pense que ça convient aussi à l'enfant. J'ai une profession qui me permet de gérer mon temps de travail comme je l'entends et ça quand on a un bébé et qu'on a envie de passer du temps avec lui, c'est formidable. 



"On oublie vite !" 

Quand je suis devenue maman, je crois que c'est une des phrases que j'ai le plus entendu et qui m'agaçait un petit peu. Les autres parents te disent souvent qu'ils ont oublié telle ou telle période, tel ou tel truc qui s'est passé dans la vie de leur bébé. Et quand mon bébé était tout petit, je me disais intérieurement : "mais comment c'est possible d'oublier ça ??". Parce qu'en fait, sur le coup, le moindre truc qui concerne l'enfant prend une place énorme dans ta vie, dans ta tête. Je vais prendre un exemple. L'enfant a fait des coliques. Les coliques, on ne sait pas trop ce que c'est, mais le bébé a du mal à digérer et se tord un peu dans tous les sens, tu sens que c'est inconfortable pour lui. En gros son système digestif est en construction et ça lui "mal", enfin du moins ce n'est pas agréable. Plein de bébés en ont ! Pendant cette période, notre bébé mangeait moins et surtout prenait ses biberons en quatre fois minimum, avec de loooongues pauses entre deux. On mettait un temps extrêmement long à lui donner ses biberons, c'était pénible et fatigant pour tout le monde, mais surtout inquiétant. Ca m'a beaucoup pris la tête, je me suis beaucoup demandée s'il n'y avait pas autre chose, j'ai passé des heures sur google à chercher des réponses. Puis, c'est passé. Je ne saurais pas vous dire quand ni comment mais c'est passé. 

Aujourd'hui je ne saurais même plus vous dire à quelle période exactement c'était ni combien de temps ça a duré. Et pourtant quand j'étais en plein dedans, ça me paraissait la chose le plus importante au monde. J'avais envie d'y trouver une solution et de comprendre ce qu'il se passait. Ca occupait mes pensées quasiment entièrement. 

Mais tout passe. 

Ce "tout passe" c'est un peu ce qui te permet de tenir dans les moments de merde. Dans les moments où ton môme fait des coliques, a le covid, a la gastro, a un gros rhume, fait ses dents, te réveille 10 fois par nuit... Tout passe. Si je devais choisir quelque chose à dire aux jeunes parents, ce n'est pas ce fameux "on oublie vite, profites !" mais "t'inquiètes pas ça va passer". Tout finit forcément par passer, ne serait-ce que parce que ton bébé va grandir. Ca parait dingue mais je pense qu'on ne dit pas assez aux parents que leur bébé va grandir. 

Le "problème" aussi du "tout passe" c'est que ton bébé évolue constamment et donc, quand tu pensais avoir établi un rythme à peu près correct qui convient à tout le monde, ton bébé change. Et c'est évidemment à toi de t'adapter à lui. C'est très déstabilisant. Surtout au début. Surtout quand tu es quelqu'un d'anxieux et que la routine est quelque chose qui te rassure. Aujourd'hui je sais que le rythme qu'on a là va très probablement encore changer mille fois avant la fin de l'année. Je sais que rien n'est jamais acquis avec un bébé.

J'ai une théorie, qui n'est basée sur absolument rien, mais des fois je me dis que c'est précisément le fait d'oublier qui nous fait dire un jour "tiens si on en faisait un deuxième / troisième / trente-sixième... ?". 

Si on se souvenait de tout avec précision, je pense qu'on s'arrêterait tous à un enfant. 



"On oublie la vie d'avant, c'est comme si l'enfant avait toujours été là !"

C'est faux. Bisous. Au revoir. 

Si certaines femmes le disent c'est que c'est sans doute vrai pour elles. Je l'ai vu passer plein de fois sur les réseaux sociaux, le fameux "c'est comme si tu avais toujours été là". Pour moi, clairement non. Je me souviens très bien de ma vie d'avant, avant qu'il soit là et même avant d'être enceinte. Je me souviens très bien de mon insouciance et de ma liberté. 

Oui, je me sentais évidemment bien plus libre et insouciante sans enfant qu'avec cet enfant dans ma vie. Ca m'est déjà arrivé de repenser à cette vie d'avant avec nostalgie et envie. De regretter un peu d'être mère. On parle de plus en plus de ces femmes qui regrettent d'être mère. On voit de plus en plus de témoignages sur la question. Je n'en suis pas du tout au point de regretter complètement ma maternité, au contraire je me sens très heureuse et épanouie d'avoir fait ce choix, mais il m'est déjà arrivé, dans les moments de grande fatigue souvent, de regretter qu'il soit là, parce que j'avais envie d'être tranquille et que sa présence était plus oppressante que réjouissante. Ce n'est pas grave d'avoir ressenti ça, je ne le vis pas mal et je le dis sans honte. Moi qui aime être tranquille (team introvertie !), avoir du temps pour moi, pour lire, pour boire un thé, pour flâner... je pensais très honnêtement avoir du mal avec le fait d'être en permanence avec un petit être dépendant de moi/nous. Heureusement pour moi, en très grande majorité, je vis très bien le fait d'avoir un enfant. Je suis globalement très contente de mon quotidien et de ma nouvelle vie. J'ai moins de temps pour moi c'est certain, mais je trouve de la satisfaction dans ma relation avec lui et c'est très chouette. 

J'ai même l'impression qu'avoir la responsabilité de cet enfant a fait de moi une meilleure personne. 

Disons qu'en bonne personne angoissée, j'ai passé pas mal de temps à m'analyser, à intellectualiser les choses, à essayer de comprendre d'où me venait telle angoisse, à tenter de me comprendre, parfois sans doute au détriment d'autres choses plus concrètes, notamment mes relations amoureuses et amicales. Je ne pense pas être égoïste mais disons qu'à force d'essayer de me comprendre, j'en ai peut-être parfois oublié les émotions et sentiments des autres. Il y a une grande tendance actuellement  à se mettre au centre de ses priorités, à se connaître et s'aimer avant toute chose. Soyons biens clairs, je trouve ça très chouette, s'émanciper, être sa meilleure alliée etc. Mais dans mon cas à moi, avoir un enfant m'a permis de me dire qu'en fait oui j'avais des petits problèmes avec moi-même mais que lui s'en fichait éperdument, que le sujet principal ce n'était plus moi. Ses problèmes à lui sont devenus plus importants que les miens. Il ne s'agit pas de s'oublier complètement dans la maternité, ce n'est pas souhaitable. Je reste une personne à part entière et cet enfant ne m'a absolument pas "guéri" de quoi que ce soit, et heureusement. Mais je me suis décentrée de moi-même et de mon nombril, et je crois que ça m'a fait le plus grand bien. 

Pour moi ce qui représente bien ça, ce sont les gens qui te demandent avec des grands yeux "comment tu fais ?!" quand tu leur racontes que tu t'es levé 25 fois dans la nuit parce que ton môme chouinait. Je fais, c'est tout. Je suis sa mère, il n'a pas demandé à venir au monde. Je n'ai pas le choix. Il se réveille 25 fois dans la nuit ? Je vais me lever 25 fois dans la nuit. Sur le coup, quand il se réveille 25 fois dans la nuit, le sujet ce n'est pas moi, ce n'est pas ce que je ressens, si je suis fatiguée ou si j'ai envie de péter les plombs, le sujet c'est ce petit bébé qui pleure. Je péterais les plombs plus tard.  [ Spoiler alert : avoir un co-parent aide à ne pas péter les plombs. Ou ça permet de péter les plombs tranquillement, en se disant que le bébé a quelqu'un pour s'occuper de lui pendant ce temps-là.]



L'ambivalence parental

Je pense que c'est LE cœur du sujet de la vie de parent. Etre parent c'est ressentir en permanence - ou presque - des sentiments ambivalents. 

C'est être très content de laisser ton môme à la crèche/nounou pour avoir enfin un peu de temps pour toi (en général c'est pour aller bosser... ahem - mais c'est un autre sujet), et en même temps avoir toujours ce petit pincement au cœur quand tu le déposes. 

C'est avoir parfaitement conscience que tu deviendrais folle si tu restais avec lui toute la journée et en même temps te dire qu'il te manque quand tu es au boulot. 

C'est être supra méga giga content de le voir grandir, de voir ses progrès, de le voir évoluer et en même temps être nostalgique de l'époque où ce n'était qu'une petite crotte collée à toi. 

C'est être contente quand il rejoint sa chambre pour dormir mais être triste de se sentir un peu "loin" de lui de temps en temps. 

C'est être super contente de le retrouver à la sortie du travail puis regarder l'heure toutes les 5 minutes avant qu'il aille se coucher. 

Je passe mon temps à être à la fois très heureuse et en même temps parfois très inquiète pour lui. C'est ça en permanence. Personnellement, je ne m'attendais pas à ce truc-là. Personne ne m'en avait jamais parlé. Et je pense que ce n'est que le début... ! 



"C'est que du bonheur d'avoir des enfants !"

Je voulais absolument terminer ce très long article sur un paragraphe joyeux. 

Parce que ces derniers temps, j'ai l'impression que la parole se libère énormément du côté des mères et sur notamment ce qui ne va pas, ce qui est compliqué, ce qui est difficile, douloureux. On parle de plus en plus de dépression du post-partum, de burn out parental, de regret maternel. Et c'est tant mieux ! Il faut libérer cette parole. C'est indispensable. Et c'est très bien qu'on sorte enfin de cette putain de phrase "les enfants c'est que du bonheur". Non, ce n'est pas que du bonheur, c'est aussi beaucoup de soucis, d'angoisses, de stress, de moments oppressants. Il faut le dire et la société doit l'entendre. Parce qu'en fait rien n'est blanc ou noir. La maternité (comme beaucoup de choses dans la vie), se situe souvent dans une zone grisâtre. 

Mais je voulais quand même terminer sur ce qu'il y avait de chouette, parce que je crois que moi ça m'a longtemps fait peur cette maternité, j'avais peur de me perdre, que ça ne me plaise pas, de beaucoup regretter. Et en réalité ça va. Je vous jure que je vais bien. J'ai même l'impression d'aller très bien. Tout n'est pas rose, mais ça va. Et je sais pourquoi ça va. Ca va être très niais mais ça va bien parce que lui va bien et que voir cet enfant tous les jours me rend profondément heureuse. 

Etre sa mère me rend profondément heureuse. Je crois sincèrement que cet enfant est la plus belle chose qui soit arrivée dans ma vie.

J'adore le voir sourire, l'entendre rire. Il me fait rire et ça c'est quelque chose dont on entend peu parler (je ne l'ai vu écrit que chez l'autrice Jack Parker). Alors certes il ne manie pas encore le cynisme et l'humour noir mais il a parfois un comportement rigolo, il a un petit sourire coquin, il a parfois un petit air filou, et ça me fait souvent beaucoup rire. 

Ce qui est vraiment chouette aussi c'est que le moindre de ses progrès me rend très fière. J'ai bien conscience que la plupart des gens n'en ont rien à foutre et que ça revêt une énorme importance juste pour moi et son père. Mais je suis épatée quasi tous les jours par ce qu'il est capable de faire. Je n'en reviens toujours pas qu'en l'espace d'à peine 9 mois, on soit passé à cette petite chose fragile qui voyait à peine et ne contrôlait pas ses mouvements, à ce bébé joufflu qui rampe, qui babille, qui tient assis, qui mange quasi de tout. C'est incroyable comme ça rend heureux et fier.

Et puis quand même il y a l'amour. J'ai parlé de la vague d'amour du début qui m'a submergé tel un tsunami dans la gueule. Aujourd'hui le tsunami est passé, les vagues sont plus douces. Mais cet amour que tu ressens pour ton enfant, c'est quelque chose d'assez extraordinaire. C'est incomparable avec une autre forme d'amour. Je sais que je l'aimerai de manière inconditionnel absolument toute ma vie (sauf peut-être s'il devient tueur en série, curé, banquier ou flic) (oui pour moi c'est pareil) (ça va je plaisante). 

Je vais arrêter là cet article avant de faire mille parenthèses. Il y a mille choses que j'aurais pu encore écrire sur le bouleversement qu'entraîne le fait de devenir parent, notamment sur comment ça rabat les cartes de ton rapport avec tes propres parents, sur comment ça peut remettre en cause absolument tout ce que tu croyais évident dans ta vie, sur le fait que tu pensais devenir un parent comme ça et qu'en fait tu te révèles être tout l'inverse... Bref, je reviendrais peut-être en parler ici un jour, si j'arrive à faire plus d'un article par an ! 

Courage aux jeunes parents et courage à celles et ceux qui pour une raison ou une autre galèrent à le devenir. 💙


Extrait du livre "Mamas" de Lili Sohn



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