Trans, bisexuel, non-binaire, je ne comprends plus rien moi !

On est tous humains, non ?


Lu et entendu à de nombreuses reprises :

"Mais pourquoi on met les gens dans des cases ? On s'en fout, nan ? Hétéro, homo, bi, trans, on est tous des êtres humains, nan ?"

Ou sa variante :

"Se mettre dans des cases c'est aussi une façon de se victimiser."

Alors sur le papier, dans un monde parfait, égalitaire, oui nous sommes toutes et tous avant tout des êtres humains et on devrait tous se respecter comme tel.

Source

Sauf que spoiler alert, ce n'est pas le cas. On ne vit pas dans un monde où tout le monde est à égalité.

Nous vivons dans un monde avec des normes, normes qui sont intégrées dès notre plus jeune âge par des processus de socialisation (définition : processus au cours duquel un individu apprend à vivre en société, durant lequel il intériorise les normes et les valeurs, et par lequel il construit son identité psychologique et sociale). Etre dans la norme (en France) signifie : être un homme, être blanc, être hétérosexuel, être cisgenre, être valide, être mince, être catholique.

C'est ce que dans l'imaginaire collectif on considère comme "être normal". Du moins c'est ce qu'on nous enseigne, ce que la société, les médias, les films, les reportages, les émissions télé, les livres nous enseignent.

L'extrême opposé serait d'être une femme, noire, lesbienne, transgenre, handicapée, grosse et musulmane. (JACKPOT DES DISCRIMINATIONS) 

Il y a des mots pour désigner chacune de ces discriminations : - le sexisme - le racisme - l'homophobie - la transphobie - le validisme - la grossophobie - l'antisémitisme, l'islamophobie (selon la religion)...

Les gens se mettent "dans des cases" parce qu'ils ne se retrouvent pas dans les catégories dites "normales".
Quand c'est "normal", quand tu es considéré comme "normal" par la société, tu n'as pas besoin de définir et de nommer ce que tu es.

Dans un monde idéal, tu n'aurais pas besoin de "révéler" ton homosexualité par exemple. Elle serait une possibilité parmi d'autres et personne ne trouverait à redire quand tu dis que tu as un.e petit.e ami.e. La société considère cependant que la normalité est l'hétérosexualité, par conséquent tu dois forcément mettre des mots sur ce qui n'est pas hétérosexuel. De la même façon, tu dois "annoncer que tu n'es pas hétérosexuel". Dans un monde parfait, tu n'aurais pas besoin de le faire. 


Les cases existent parce que notre monde les crée.
Elles permettent aux gens d'exprimer ce qu'ils sont, de mettre des mots sur des "différences" et donc d'exister. Les choses n'existent que si on les nomme.

En réalité, j'entends très souvent cet argument à propos des personnes trans.

Cela part souvent d'un manque de compréhension de ce qu'est une personne trans.


Source : la formidable BD de Sophie Labelle !


Qu'est ce qu'un.e trans ?


Une personne trans n'est pas "un homme / une femme née.e dans le mauvais corps" ou "un transsexuel" ou je ne sais quel autre mot ou quelle autre définition.

Il faut revenir aux bases.

A la naissance, on vous assigne un genre, souvent en fonction de vos organe génitaux, votre sexe.
Si vous avez un sexe mâle on vous assignera garçon. Si vous avez un sexe femelle, on vous assignera fille.
En fonction de ce sexe vous recevrez donc une éducation genrée. Si on caricature : si on vous a assigné le genre féminin, on vous apprendra à aimer le rose, les poupées et faire la cuisine. Si on vous a assigné le genre masculin, on vous apprendra à aimer le bleu, les petites voitures et faire du foot. Ce sont des constructions sociales. Les personnes trans se sont vu assigner un genre à la naissance qui n'est pas celui auquel elles correspondent.

Elles se sentent hommes plutôt que femmes ou inversement. Elles se sentent d'un autre genre que celui assigné à la naissance, indépendamment de toute considération biologique. Ainsi elles se sentent femme avec un des organes génitaux masculins, par exemple. Pour correspondre au genre qu'elles pensent être, ces personnes vont prendre les codes sociaux de ce genre. C'est ainsi que les femmes trans (donc des femmes assignées garçon à la naissance, avec des organes génitaux masculins) vont prendre les codes sociaux pour "ressembler à une femme" selon les codes de notre société : mettre des talons hauts, mettre des robes, aimer les choses "féminines"...

Alors vous allez me dire que si le genre est une construction sociale, chacun devrait pouvoir faire ce qu'il veut. A titre personnel, je rêve de pouvoir "abolir" le genre, parce que nos constructions genrées sont malheureusement profondément sexistes. Les femmes subissent des discriminations en fonction de leur genre, c'est ce qu'on appelle le sexisme. Dans un monde idéal, chacun devrait pouvoir s'habiller, se coiffer (etc), comme ils le souhaitent et on en aurait rien à faire de votre genre. On ne déterminerait pas votre genre à la naissance en fonction de votre sexe masculin ou féminin. En d'autres termes, on ne déterminerait pas dès la naissance le fait que vous allez aimer jouer à la poupée juste parce que vous avez une vulve, un vagin, un utérus et des ovaires. Et dans ce monde, les trans n'auraient pas lieu d'exister parce que si les codes sociaux masculins et féminins n'existaient pas et bien, il n'y aurait pas besoin de "prendre" certains codes sociaux pour se voir reconnaître homme ou femme. Dans ce monde, les hommes pourraient porter des robes, se maquiller et personne ne trouverait ça ridicule. 

Mais encore une fois, notre monde n'est pas parfait. Les constructions genrées existent.
Dans notre monde à nous, pour se voir reconnaître femme dans la société et qu'on vous appelle "Madame" et qu'on dise "elle" en parlant de vous, il faut que vous ayez des seins, que vous portiez une robe et que vous vous maquillez.
Les trans ont besoin de se "mettre dans des cases" pour exister. Parce que sinon la société ne les reconnait pas. Et si la société ne les reconnait pas, ils/elles n'existent pas.
La normalité étant d'être une personne cis dans notre société  (tu es cis quand ton genre correspond à ton sexe biologique).

Et là vous allez me dire : "mais ça veut rien dire de se sentir homme ou femme". Ça ne veut rien dire parce que vous ne vous êtes jamais posé la question. Votre genre a toujours correspondu avec votre sexe biologique.

Source : la formidable BD de Sophie Labelle !

Troisième genre ?


Je parle des personnes femmes trans ou des hommes trans mais je pourrais aussi vous parler des personnes non binaires qui ne se sentent ni hommes, ni femmes ou de certaines cultures qui reconnaissent un troisième genre ou même plusieurs genres. C'est notre société occidentale qui n'en reconnait que deux. Il peut y en avoir plein d'autres. 

Oubliez tout argument de type biologique : la société a créé des hommes et des femmes,les chromosomes etc. C'est une réalité, la nature a créé les mâles et les femelles, mais c'est la société qui crée le genre. Et encore, ce que je viens de dire est profondément insultant pour les intersexes qui existent aussi. Les intersexes ce sont des personnes qui ont des organes génitaux à la fois féminin et masculin. Ces personnes subissent souvent des opérations très jeunes, quand ils sont encore bébé, pour qu'elles aient des organes génitaux féminins (c'est soi-disant plus facile à créer... ahem).

Et c'est là qu'on voit finalement toute l'absurdité de la chose. On leur crée des organes génitaux féminins, on les assigne fille et tout va bien dans le meilleur des mondes. Sauf que dans la tête c'est plus complexe que ça. On pourrait aussi faire le choix d'élever ces personnes juste comme des êtres humains et leur laisser le choix plus tard d'être de genre féminin ou masculin ou autre et la face du monde n'en serait pas pour autant bouleversée. 

De la même façon pour les organes génitaux : de quels droits on mutile des bébés en bonne santé qui n'ont rien demandé à personne ? Ce sont des mutilations génitales qui supposent de lourdes opérations sur des bébés qui sont par ailleurs en bonne santé physique. Excuse-moi mais c'est complètement con. Tout ça parce que la société ne supporte pas que la personne ne soit pas soit homme, soit femme. Laissons leur le choix quand ils seront adultes de subir ces opérations et laissons les bébés tranquilles.

Source : la formidale BD de Sophie Labelle !


Mais tu as été opéré.e ?


Ne demandez jamais à un trans ce qu'il a dans le pantalon, entre les jambes. Vous ne le feriez pas pour une personne cis. Ce que cette personne a entre les jambes ne vous regarde pas et ne le définit pas de toutes les façons. C'est pour ça que parler de transsexuel est un mauvais terme. Le sexe et le genre n'ont rien à voir en commun. 

Ce n'est pas l'opération de changement de sexe qui fait de vous un homme ou une femme. C'est parce que la personne se sent déjà homme ou femme qu'elle voudrait que son sexe corresponde à son genre.
Les personnes trans se sentent hommes ou femmes indépendamment de ce qu'ils ont dans la culotte. Certains choisiront de se faire opérer et de prendre des hormones, d'autres non. Ca n'en fait pas moins des hommes ou des femmes. On s'en fout de savoir si la personne a un pénis ou une vulve, si elle s'est faite opérer ou pas pour savoir si c'est une "vraie femme" ou un "vrai homme". Vos organes génitaux ne vous déterminent pas.

Si vous avez un doute sur le genre de la personne et donc sur le pronom à utiliser, je pense que le plus simple reste de demander à la personne ce qu'elle veut qu'on utilise pour la définir : il ou elle. Certains veulent des pronoms neutres comme iels. Alors oui on peut être tatillon en disant que ça n'existe pas dans la langue française. Certes, mais la langue française est profondément sexiste, homophobe et transphobe. Il est temps de la faire évoluer. On manque cruellement de pronom neutre.

Et pour ceux qui se poseraient la question, quand on dit femme trans, on parle de femme assigné garçon à la naissance. Quand on parle d'homme trans, on parle d'un homme assigné fille à la naissance. 

Il est important de faire la différence sexe, genre et orientation sexuelle. 
Si sexe et genre n'ont rien à voir, orientation sexuelle et genre non plus. 
On peut être une femme trans, avoir des organes génitaux masculins et aimer les femmes donc être lesbienne. 

J'en ai peut-être perdu certains d'entre vous à la lecture de cet article. Mais vous savez quoi ? Vous avez le droit de vous tromper, de ne pas savoir. Mais vous savez ce qui est ultra important - selon moi ? C'est de ne pas dénier l'existence des personnes trans. Oui elle existent et elles méritent qu'on les considère telles qu'elles le demandent. 

Quand vous dites que c'est relou de mettre des gens dans des cases, dites-vous que c'est un privilège de personne cisgenre de dire ça, dites vous que les personnes transgenres préféraient très certainement être cisgenre, parce qu'en fait ce n'est pas drôle d'être transgenre, ça engendre tout un tas de discriminations et de problèmes au quotidien. Rappelez-vous que ce n'est pas un choix. Rappelez vous que nommer les choses c'est aussi les faire exister. Rappelez vous que quand vous riez de quelqu'un en disant "on dirait un transsexuel", ou en insultant quelqu'un de "travelo", vous êtes en train de faire une blague profondément transphobe et très blessante.

Quand vous renvoyez les gens à leur sexe biologique, c'est vous que vous rassurez, votre ordre moral. Pare que traditionnellement on vous a appris que les filles avaient des vulves et que les filles aimaient le rose. Comprendre qu'il y a des gens qui ne rentre pas dans votre schéma de pensée, ça chamboule votre propre ordre moral. 

Mais c'est pas grave. Le tout c'est de savoir se dire : "mais en fait ça ne change rien à ma vie". Parce que concrètement que la personne se définisse comme homme, comme femme, comme non-binaire,  ou autre, ça ne va pas changer votre vie. Alors arrêtez de contredire les personnes trans parce que "biologiquement c'est pas possible" ou "parce qu'on met les gens dans des cases", laissez les gens se définir comme ils veulent et demandez vous pourquoi ça vous interpelle. C'est vous que vous devez remettre en cause, pas les autres.

Petite note pour les personnes transgenres qui passeraient par ici et qui ne seraient pas d'accord avec tout mon propos. Je suis une personne cisgenre, je ne connais pas votre réalité. Je n'ai pas non plus fait d'études sur le sujet. Je m'intéresse juste énormément aux questions de genre et j'en suis venue très naturellement (quand on s'intéresse à tout ça) à la question des transgenres. J'ai bien conscience qu'il y a plusieurs réalités transgenres, que tout ce que j'ai écrit là n'est qu'un aperçu mais c'est surtout destiné à mes copains.ines cisgenres qui ne pigent pas grand chose à tout ça... Si j'ai blessé quelqu'un.e, toutes mes excuses et n'hésitez pas à me contredire, ou à enrichir mon propos en commentaires.

Source : la formidable BD de Sophie Labelle !


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