Mon féminisme.

Cet article, j'ai mis un temps fou à le faire, je l'ai tourné et retourné dans ma tête jusqu'à ce que ça devienne un truc cool. D'ailleurs vous êtes probablement en train de lire la 351ème version.

Je suis féministe. Et je vois déjà que ça sonne comme un gros mot dans vos oreilles. J'ai mis du temps avant de pouvoir le dire, et encore aujourd'hui j'ai parfois du mal à l'assumer tant ce mot est galvaudé, maltraité et décridibilisé.
Je voudrais vous parler de mon féminisme à moi, de comment j'entends la chose et comment j'en suis arrivée à me dire féministe (comme si c'était une maladie tu sais). Parce que ça ne m'est pas tombé dessus comme ça un soir d'orage, c'est toute une construction qui s'est faite dans ma petite tête.

Aussi loin que remontent mes souvenirs de vieille (j'ai 24 ans), ma première approche du féminisme date de mes 15 ans. Au collège, j'avais du faire un exposé sur l'égalité hommes/femmes. A l'époque on avait discuté IVG, contraception, MLF, Ni Putes Ni soumises. Dans ma tête d'ado un problème se posait  (au delà de savoir si on avait le droit de dire le mot "pute" en classe), je ne voyais pas bien ce que l'accès à l'IVG venait foutre dans l'égalité hommes/femmes, pour moi c'était avant tout un "truc de filles", une victoire essentiellement féminine et je ne voyais pas en quoi cela permettait plus d'égalité entre hommes et femmes. En fait pour moi il y avait deux choses : d'un côté la légitime revendication des femmes à être les égales des hommes et par exemple à avoir le même salaire et de l'autre le féminisme en tant que tel qui signifiait avoir plus de droits pour les femmes en tant que telles. Ma prof d'histoire-géo de l'époque était formidable et je garde un bon souvenir de cet exposé mais je n'en ai pas su vraiment plus sur le féminisme à cette époque.

Puis est venu le lycée. J'étais plus engagée dans les combats politiques de l'époque (coucou le CPE) que dans un réel combat féministe (j'étais aussi beaucoup plus occupée à tomber amoureuse et à boire de l'alcool en tout genre ...) . J'en étais même loin et à vrai dire ça ne m'intéressait pas vraiment. Bien sûr que je trouvais ça anormal qu'une femme soit moins bien payée qu'un homme, mais le pourquoi du comment me dépassait totalement. J'ai pourtant eu des cours de sociologie formidables où j'apprenais que les gens se comportaient différemment avec les bébés s'ils étaient filles ou garcons, qu'on incitait les filles à jouer plus aux poupées etc. Pourtant dans ma tête la connexion entre les inégalités que je pouvais observer et ces études sociologiques ne me sautait pas aux yeux. Encore une fois il s'agissait de choses bien distinctes pour moi.



Faut dire que je ne ressentais pas vraiment l'inégalité. Je suis allée dans un lycée relativement "bourgeois" où je me suis toujours sentie plutôt libre. Loin de moi l'idée que le sexisme n'atteint pas tous les milieux mais jamais dans ma famille on a considéré que plus tard je devrais être femme au foyer et apprendre à cuisiner. Le fait même que plus tard, je serais une femme libre et indépendante était une évidence. J'ai grandi entourée de femmes relativement fortes qui étaient bien obligées de se débrouiller seules. Pour moi le champ des possibles était infini. Même au niveau vestimentaire, je portais à peu près ce que je voulais. Encore une fois le slutshaming est partout mais à cette époque-là je n'ai jamais eu à le subir de front. Au lycée, jamais on ne m'a traité de salope parce que ma jupe était trop courte. En revanche, j'ai été traitée de salope pour d'autres raisons et je crois que c'est là que j'ai ressenti ma première grande injustice en tant que (jeune) femme.

A 16/17 ans, comme beaucoup de jeunes femmes (et hommes) j'ai commencé à découvrir la sexualité avec autrui. A cet âge, j'aimais plaire, j'aimais séduire, j'aimais tester mes limites. Je passais ainsi pas mal de mes samedis soirs à me trémousser sur une piste de danse avec mes amies façon Shakira. Et c'était drôle. Et on riait beaucoup. Je me sentais belle, libre et forte. Un jour des nanas de mon lycée m'ont vu un samedi soir sur une piste de danse avec un charmant jeune homme. En quelques jours, je suis devenue la nana qui dansait comme une SALOPE. Une SALOPE. Le mot était posé. Je ne l'ai pas vraiment mal vécu à l'époque. J'étais plutôt en mode "ouais je suis une salope et alors ?" et de toutes façons je n'aimais pas les filles qui racontaient ça donc leur jugement à vrai dire m'importait peu. Un jour j'y ai réfléchi et je me suis prise une grosse claque dans la gueule car moi j'étais la salope et les gars avec lesquels je dansais étaient des Dom Juan. Ca m'a tellement révolté. Pourquoi moi je devrais être considérée ainsi alors que les garçons eux pouvaient être fiers de leurs actes ?  Puis pourquoi ces filles s'intéressaient tellement à ce que moi je faisais le samedi soir de mon corps ? Et c'est devenue une sorte de leitmotiv : "une fille qui couche avec 20 mecs est une pute et un mec qui couche avec 20 filles est un beau gosse". Je trouvais ça injuste et je le disais haut et fort. Ca a été ma première approche du féminisme, du sexisme, du slutshaming. Evidemment du haut de mes 17 ans, difficile de raccrocher tout ça au féminisme. Pour moi les gens qui me traitaient de salope étaient juste cons. Puis je le confesse, je ne suis pas toute blanche, j'ai moi aussi traité certaines nanas de salopes parce qu'elles avaient couché avec untel ou parce qu'elles s'étaient tapée "trop de garçons" (elle est où la barre je vous le demande ...). Le pire que j'ai pu dire reste : "se balader à 2h du matin en mini-jupe c'est un appel au viol". Si je pouvais mettre des claques à la moi de 17 ans, je le ferais. Mais dans le fond, "j'y peux rien" et les filles qui me traitaient de salope non plus. Nous avons tous grandi dans le même système, on a tous appris les mêmes choses.



Je suis sortie du lycée et j'ai commencé à lire (je lisais déjà avant hein). Des articles sur Madmoizelle d'abord. Beaucoup d'article sur Madmoizelle. Puis des blogs. Puis Causette. Puis Virgnie Despentes. J'ai alors compris à quel point tout était lié : le genre, le marketing genré, le patriarcat, le slutshaming, la culture du viol... Et j'ai enfin compris que les inégalités salariales qui me paraissaient être si importantes à 15 ans découlaient de tout ça.

Aujourd'hui je voudrais qu'on arrête d'offrir du rose aux petites filles et du bleu au garçon. Ce n'est pas parce que tu as un utérus que tu aimes le rose, c'est parce que la société t'a dit que les petites filles doivent aimer le rose. Laissez donc votre enfant être ce qu'il veut, si vous évitez de la cantonner à un rôle prédéfini, peut-être qu'un jour on verra plus d'hommes devenir puéricultrice et plus de femmes devenir mathématicien. Dans la même veine, il faudrait arrêter de considérer que le ménage, les paillettes, le maquillage, la danse, la cuisine sont des "trucs de nanas" de même que le foot, les sciences, les jeux vidéos ne sont pas des "trucs de garçons". Un garçon n'est pas par essence plus brutal et une fille plus douce. Le cerveau humain est le même à la naissance peu importe vos chromosomes. Vous imaginez le champ des possibles ?
Je voudrais qu'on arrête de considérer l'espace public comme un espace essentiellement masculin où la femme n'a pas vraiment sa place.
Je voudrais qu'on enseigne à nos hommes, nos garçons que quand une femme dit non c'est non, qu'elles ne sont pas là pour satisfaire une envie et qu'on ne préjuge pas une envie sexuelle sur une façon de s'habiller ou de se comporter. JAMAIS une fille qui se fait violer ne l'a cherché. C'est VOUS le prédateur, le criminel. On dit toujours aux filles "ne rentre pas trop tard, ne t'habille pas comme ça si tu sors" mais jamais on ne dit aux garçons "ne viole personne ce soir". Parce que le violeur, c'est votre père, votre frère, votre copain, votre meilleur ami... il n'est pas "taré", on ne lui a "juste" pas appris à respecter les femmes par contre on n'a pas manqué de vous apprendre à être de potentielles victimes mesdames... La honte DOIT changer de camp. Le désir masculin, la libido masculine sont vus comme quelque chose de normal, de sain, ce sont des pulsions qu'on ne peut refréner... Alors autant on nous prend souvent pour des quiches mais on prend également ces messieurs pour des jambons. Sous-entendre que l'homme ne peut refréner ces pulsions c'est faire de lui une espèce de bête sauvage incapable de se contenir. En partant de ce postulat tu légitimes tout un tas de choses : le viol et la prostitution. RIEN ne justifie ça sur le plan physiologique et on continue de nous dire que "l'homme a des pulsions" et qu'il doit les satisfaire.
Je voudrais aussi qu'une femme puisse avoir la sexualité qu'elle souhaite avec qui elle le souhaite, quand elle le souhaite sans se faire traiter de biatch à tous les coins de rue.
Je souhaiterais qu'on arrête de considérer un "t'es bonne" ou tout autre adjectif de cet acabit lancé dans la rue comme un compliment. Une femme doit pouvoir se balader dans la rue sans être harcelée, sans avoir d'approbation masculine sur ce qu'elle fait, ce qu'elle porte ou son physique.



J'ai oublié des milliers de choses sur le féminisme et j'ai encore des tas de choses à apprendre. Juste je voulais vous expliquer MON féminisme. Celui par lequel je suis arrive toute seule, en lisant, en me renseignant parce que la majorité des gens ont une vision négative du féminisme, ils pensent FEMEN, ils pensent La Barbe et c'est dommage, parce qu'il y autant de formes de féminisme que de féministes.

Renseignez-vous, lisez et vous verrez que le sexisme est partout, que le féminisme est un combat de tous les jours.

Les photos (prises ici) sont issues d'une campagne de prévention contre le viol de la police d'Edmonton au Canada
Des gens qui en parlent mieux que moi :

http://www.madmoizelle.com/slut-shaming-115244
http://www.madmoizelle.com/je-veux-comprendre-culture-du-viol-123377
http://www.madmoizelle.com/marketing-genre-131775
http://www.causette.fr/
http://lecerebro.leetchee.fr/
http://cafaitgenre.org/
http://www.osezlefeminisme.fr/

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